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quitter l’Allemagne, mais ils furent bien reçus par le prince qui représentait l’autorité impériale dans les contrées germaniques, et surtout ils purent assister aux débats de la diète de Nuremberg, où catholiques et protestans se trouvaient en présence. C’est là que Burkhard Waldis fit personnellement connaissance avec le cardinal Lorenzo Campeggio, dont il parle en ses fables. Pendant ce voyage à travers des pays dévoués aux doctrines nouvelles, Burkhard Waldis, déjà préparé peut-être, comme tant d’autres moines, aux enseignemens de Luther, avait-il senti sa foi se transformer. Sont-ce les protestans de l’Allemagne du nord ou les catholiques de Nuremberg qui l’ont décidé à quitter l’église romaine ? On ne saurait le dire. Ce qui est certain, c’est que le franciscain de Livonie, à peine revenu à Riga, s’empressa d’abjurer le catholicisme. Il est fâcheux que cette abjuration ait eu lieu à la suite de l’emprisonnement du moine par les magistrats luthériens de la Livonie. M. Henri Kurz a beau affirmer, d’après les écrits du fabuliste, que les convictions religieuses de Burkhard étaient parfaitement arrêtées avant son retour à Riga ; nous avons beau être persuadé nous-même que cet emprisonnement ne fut pour lui qu’une occasion de déclarer aux yeux de tous les transformations secrètes de sa conscience : encore une fois cette occasion est fâcheuse ; on aimerait mieux le voir se lever en face du péril, comme Anne Dubourg devant le parlement de Henri II.

Sorti du couvent, Waldis gagna sa vie en travaillant de ses mains ; il se fit ouvrier, entra chez un fondeur, et par son intelligence, par son adresse, devint un des maîtres de l’industrie locale, comme l’attestent certains documens que nous possédons encore. Son commerce prit bientôt un assez grand développement ; il faisait de longs voyages, et ses pérégrinations à travers l’Allemagne n’étaient pas moins utiles à sa cause religieuse qu’aux intérêts de son industrie. On sait que la réforme, parmi les influences si diverses qu’elle exerça dans le monde, imprima une rapide impulsion à l’industrie d’une part, de l’autre à l’enseignement populaire. C’est bien une figure du XVIe siècle que ce franciscain allemand devenu ouvrier, commerçant, occupé à courir le monde pour le soin de ses affaires et la propagation de ses croyances. Du fond de la Livonie, Burkhard Waldis alla jusqu’en Italie et en Portugal. Il visita souvent la Prusse, les villes hanséatiques, la Hollande, les contrées du Rhin, la Silésie, le Tyrol, l’Alsace et la Suisse. On ignore combien d’années il demeura établi à Riga ; on ne sait pas davantage s’il habita quelque autre ville entre son départ de Livonie et son retour dans la liesse ; mais un fait hors de doute, quoique fort mystérieux, c’est qu’il eut à subir une longue et douloureuse captivité avant de pouvoir s’installer enfin dans sa patrie. Quelle fut la cause de cet emprisonnement ? Combien de temps dura-t-il ? Dans quelle ville, dans quelle contrée Burkhard Waldis avait-il rencontré des ennemis ? Était-il coupable ou victime ? Tout ce que nous savons, c’est qu’à l’époque où le poète revint dans la Hesse en l’année 1542, il avait de cinquante à soixante ans. On croit qu’il vécut d’abord chez ses deux frères Jean et Bernard ; en 1544, le landgrave de Hesse, Philippe le Magnanime, le nomma pasteur d’Abterode. Peu de temps auparavant, il avait épousé une veuve dont il eut plusieurs enfans. Les derniers renseignemens sur sa vie s’arrêtent en 1547 ; c’est l’année où, accablé par la vieillesse et les infirmités, il dut renoncer