en commun avec lui. Un des préceptes favoris de Mélanthe nous a été transmis, et il est très propre à jeter du jour sur la manière des peintres de Sicyone. « Il faut, disait-il, que vos œuvres respirent l’audace et la dureté. » Cette dureté, cette audace franche et un peu brutale, me paraissent bien des qualités doriennes. On croit entendre les maîtres sicyoniens ajouter : « Loin de nous la grâce, la mollesse, le coloris séduisant, la volupté de l’école asiatique! Loin de nous l’imagination, la fécondité, les créations grandioses et idéales, puis délicates et spirituelles de l’école attique! Ce que nous aimons, c’est quelque chose de vrai, de précis, d’énergique, d’impérieux, une rectitude violente, une fermeté qui approche de la raideur, des traits audacieux et durs, mais d’un effet franc, simple, direct, saisissant. Nous préférons la sévérité des lignes au charme des contours, la sagesse des compositions à l’éclat de la poésie; nous voulons avant tout le style et le caractère. Nous ne craignons point de maintenir des traditions anciennes et presque surannées, et nous ferons ce qu’ont fait les sculpteurs d’Égine pour les frontons de leur temple de Minerve. »
Ainsi le jeune Apelle, par un bonheur qu’il avait prévu et cherché, trouva dans l’école de Sicyone les tendances les plus opposées aux tendances de sa race et sans doute à ses propres tendances. Il profita de ce dualisme qui a toujours composé le génie grec, unissant par son éducation les qualités des Doriens à celles des Ioniens. Son tempérament d’artiste n’en fut pas altéré, parce qu’un tempérament généreux résiste à la compression ; il fut plutôt fortifié par une salutaire discipline et prémuni contre tous les excès. Il en résulta cet équilibre qui est la juste mesure du bien, et qui permet, autant qu’il est donné à l’homme, d’approcher de la perfection.
Pendant les dernières années de son séjour à Sicyone, Apelle avait aidé Mélanthe à peindre un tableau qui fut célèbre. C’était un portrait du tyran Aristrate, monté sur un char à quatre chevaux à côté de la Victoire. Lorsque plus tard Aratus délivra Sicyone et fit détruire les images des tyrans, le peintre Néalcès demanda grâce pour une œuvre aussi belle. Comme Aratus semblait inflexible, Néalcès insista en versant des larmes, et promit d’effacer la figure d’Aristrate. Il le fit, mit une palme à la place, de telle sorte que le sujet devint simplement une Victoire sur un quadrige. Il est vraisemblable qu’Apelle composa d’autres œuvres pendant un séjour de dix ans à Sicyone, mais les historiens n’en ont point conservé le souvenir. Sa réputation naissante, l’autorité de l’école à laquelle il appartenait, l’amitié de Mélanthe, le firent rechercher par le roi de Macédoine. Il se rendit auprès de Philippe, père d’Alexandre.
À cette époque, Philippe était déjà vieux. Il avait pris bien des