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en face de l’entrée du bassin. En cet endroit, les brisans de la passe, les îles et les îlots qui se forment et se reforment près de l’embouchure, les talus de sable affouillés à la base, composent un tableau changeant que le géologue étudie et que l’artiste admire.

Le climat d’Arcachon est supérieur à celui des contrées environnantes et rappelle, sinon par la pureté du ciel, du moins par l’égalité de la température, le climat des stations d’hiver les plus fréquentées de la Provence et de la Ligurie. La hauteur moyenne du thermomètre est de 15 degrés sur les rives du bassin d’Arcachon, c’est-à-dire qu’elle est à peine inférieure à celle de Nice. En hiver, la température moyenne est de 8 degrés au bord de la plage et de 10 degrés dans l’intérieur de la forêt : c’est le doux climat hivernal de Cannes et de Menton[1]. Dans les lettes ou vallons étroits qui séparent les rangées parallèles des dunes, l’atmosphère est toujours parfaitement calme, et même en décembre et en janvier, alors que la froide bise du nord-ouest fait ployer les grands pins, les personnes qui se promènent dans les bas-fonds jouissent d’une température agréable qui ferait croire à la venue prématurée du printemps ou à la prolongation de l’automne. Les arbousiers, ces charmans arbustes des forêts provençales que signaient au loin leurs baies d’un rouge éclatant, sont probablement indigènes dans la forêt d’Arcachon, car on les y désigne par le nom local de lédounès, et depuis un temps immémorial leurs fruits servent à fabriquer une boisson fermentée, qui jadis était d’un usage général chez les résiniers. Les cistes et d’autres plantes qui rappellent les bords de la Méditerranée tapissent aussi le sable des dunes. Le myrte, récemment acclimaté, prospère dans les jardins et bientôt sans doute aura franchi les haies pour se propager au milieu des bois. À La Teste, on voit un olivier grandir depuis plusieurs années au pied de hautes dunes qui l’abritent contre le vent d’ouest ; l’oranger lui-même résiste aux gelées et passe l’hiver en pleine terre dans les vallons de la forêt, parfaitement garantis des vents froids. En toute saison, sauf pendant les mois de décembre et de janvier, les ajoncs, les genêts sont couverts de leurs innombrables fleurs jaunes. On le voit, les vallons des dunes seront un jour d’admirables jardins d’acclimatation.

Où la vie des plantes se développe d’une manière si remarquable, il est naturel de penser que la santé de l’homme prospère aussi. On cite en effet l’exemple des résiniers de la forêt, qui vivent longtemps, exempts de maladie, bien qu’ils se nourrissent mal et négligent tous

  1. Il est probable que la température hivernale est encore plus douce sur la plage du village d’Arès, qui est tourné vers le midi.