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Pour concilier les esprits, il faut donc mettre un terme à cet enchevêtrement d’intérêts hostiles, faire entrer l’ordre dans ce chaos digne du moyen âge, qui l’a produit et légué à la société moderne. Rien ne serait plus facile. Que les possesseurs titulaires abandonnent aux usagers, en pleine et absolue propriété, une partie de la forêt représentant ou dépassant la valeur capitalisée des droits d’usage ; que de leur côté les habitans des communes, héritiers des avantages cédés jadis par le seigneur aux manans de son captalat, consentent à échanger ces droits, qui rappellent leur antique servage, contre un titre qui les fera propriétaires, et, si la répartition est faite d’une manière équitable, toutes les parties n’auront qu’à se féliciter de l’issue du procès[1]). Alors seulement la propriété sera constituée et les détenteurs du sol pourront s’occuper de reboiser les espaces dégarnis, d’élever des pins et des chênes pour la construction, d’aménager régulièrement leurs bois, de faire de la sylviculture en un mot. Dans l’intérêt de la production, il est à désirer aussi que l’état aliène bientôt toutes les forêts qu’il a plantées sur les dunes et qu’il a gardées, d’abord en qualité de tuteur, puis comme propriétaire, en dépit des incessantes réclamations des communes. Entre les mains des particuliers, ces forêts donneront un revenu bien plus considérable qu’elles n’en donnaient au budget et contribueront d’une manière bien plus efficace à l’accroissement de la richesse nationale.


IV

Dans ses rêves d’avenir, Arcachon ne se contente pas d’aspirer au rôle de cité. La petite ville des landes se voit aussi grand port de commerce, et les eaux de son bassin se couvrent déjà de navires innombrables ! La magnifique baie, dont la nappe s’étend à perte de vue, rend cette ambition facile à comprendre. À l’exception de quelques villes privilégiées, telles que Rio-Janeiro et San-Francisco, les grands entrepôts maritimes du monde pourraient envier cet immense port presque fermé, où les navires sont en sûreté comme dans un lac. Les rades du bassin occupent de vastes espaces, et présentent des profondeurs assez considérables pour les navires du plus fort tirant d’eau. L’une, qu’abrite du côté de l’ouest la péninsule boisée du cap Ferret, offre de 8 à 15 mètres d’eau et s’étend parallèlement au rivage de près de 6 kilomètres de longueur. La rade d’Eyrac, qui forme le chenal entre la plage d’Arcachon

  1. Cette thèse est exposée avec beaucoup de clarté dans un écrit local de M. A. Biaserié, intitulé : Des Droits d’usage dans la forêt de La Teste.