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ressort nous paraît devoir être constaté à l’honneur de M. de Bismark. Après nous avoir copiés et suivis, voilà que ce ministre a la bonne idée de nous devancer. Pourquoi ne l’en louerions-nous point ? Le jour où on l’imiterait en France et où l’on porterait à la chambre la révision du régime de la presse, ne serions-nous pas obligés de nous livrer au plus lyrique enthousiasme et de saluer l’ère nouvelle où la libre pensée aurait recouvré parmi nous ses indispensables garanties ?

Mais parmi les pays où la vie politique recommence, il en est un qui est à notre porte et qui a des droits particuliers à notre sympathique attention. Nous parlons de la Belgique, de ce phénomène d’un petit peuple qui par le français et qui jouit régulièrement des libertés les plus complètes, qui nous prouve à côté de nous que la liberté est la condition pratique du bon gouvernement d’une société florissante par l’activité intellectuelle, industrielle et commerciale. La Belgique, toute raisonnable qu’elle est, a des partis passionnés. C’est le pays catholique où la question moderne de la séparation de la société et de l’état laïque et du pouvoir religieux entretient sans interruption entre les partis la lutte la plus active. La presse libérale s’était accordée à reprocher au discours du roi de s’être tenu à l’écart de cette incessante controverse, de n’avoir parlé que des intérêts matériels, de n’avoir point affirmé les principes qui viennent de triompher dans les élections communales, où s’est prononcée avec plus de netteté que jamais l’antipathie du pays pour la politique cléricale. On semblait craindre que le ministère libéral ne reculât dans sa voie. M. Frère-Orban, l’éminent ministre des finances, n’a point tardé à rassurer ses amis. Il a déclaré au sénat, pendant la discussion de l’adresse, que le ministère n’avait nullement l’intention de se transformer en un simple cabinet d’affaires, qu’il reste ce qu’il est, qu’il persiste dans les projets de loi présentés par lui il y a deux ans. Il a notamment annoncé que les projets sur la législation des fabriques d’église et sur le temporel du culte seraient prochainement présentés aux chambres. Une déclaration non moins importante a été émise par M. Frère. On sait l’agitation qu’entretient à Anvers la question des fortifications. Un des inconvéniens des petits pays, c’est que les questions locales, en se passionnant, s’y éternisent. Les Anversois voulaient engager à nouveau la question des fortifications en offrant au gouvernement des transactions partielles. M. Frère, avec la netteté ferme qui convient, même dans un petit état, à un homme politique sérieux, a voulu couper court à ces difficultés toujours renaissantes : « Aux yeux du gouvernement, a-t-il dit, la question anversoise est résolue. » Il était bon qu’on en finît avec cette question anversoise. La fortification d’Anvers est le faible tribut que la Belgique paie à l’instabilité générale de l’Europe. La dette est désagréable à payer quand on est un pays libre, sage et tranquille, nous n’en disconvenons pas ; mais enfin elle a été acceptée : qu’on paie donc et que tout soit dit. E. FORCADE.