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gagner tel ou tel point du rivage méditerranéen. Ce n’est qu’en aboutissant au siège du plus actif mouvement d’affaires, au plus large centre des capitaux de tout le sud-est, que Bordeaux, le bassin de la Garonne et les régions subpyrénéennes peuvent être le plus avantageusement mis en contact avec la Méditerranée. Seulement, comme la jonction voulue existe déjà depuis longtemps grâce à la ligne qui de Cette se dirige par Montpellier et Tarascon sur le chef-lieu des Bouches-du-Rhône, il restait à savoir si la nouvelle direction proposée, si la ligne raccourcie devait ouvrir au commerce des perspectives inconnues et transformer, au grand avantage du transit international, toutes les conditions actuelles. Telle était la question qu’avait soulevée et tranchée du même coup le projet du Midi. On sait que ce fut là le côté saillant de la lutte ; mais la seconde question, pour avoir jeté moins d’éclat, la question du chemin de Rhodez à Montpellier, que le Midi se proclamait résolu à ne point disjoindre de la première, ne fut pas débattue avec moins d’animosité. Au tracé par Montpellier, la compagnie de Lyon en opposait un autre qui, à partir de Milhau, s’en allait par le Vigan gagner Lunel, où il retrouvait la route de Nîmes et tout le réseau du sud-est. Sur l’un et l’autre sujet de division, la guerre a eu le même point de départ, comme aussi la même durée. Elle débute à la veille de la session des conseils-généraux au mois d’août 1861, et elle se clôt avec les actes législatifs portant la date du 11 juin 1863. On ne saurait trop rappeler qu’elle s’est poursuivie, ainsi que nous l’indiquions dès l’abord, en plein soleil, avec toutes les armes que la discussion pouvait fournir et dont la publicité la plus large pouvait assurer l’effet. Au milieu des aspects si variés qu’elle a offerts, voilà, bien plus encore que l’importance des intérêts en litige, voilà ce qui l’a revêtue d’un caractère de grandeur et de nouveauté.

Durant la mêlée croissante où l’on vit s’engager toutes les forces actives disséminées des Alpes à l’Océan, il est assez facile de marquer le champ propre à chacune des deux compagnies en présence. Le Rhône pourrait servir de ligne de démarcation, sauf à rattacher pourtant à la rive gauche, comme deux puissantes têtes de colonne, le département de l’Ardèche et surtout celui du Gard. On devrait en revanche noter sur cette même rive, et jusqu’au cœur du domaine de la Méditerranée, certaines dissidences qui indiquaient des positions isolées appartenant à des adversaires. Si l’on consulte le chiffre de la population directement impliquée dans le conflit, le Midi pourrait s’attribuer l’avantage du nombre. Déjà, à la date du 24 avril 1862, on parlait, dans son camp, de treize départemens et de soixante villes qui avaient donné leur adhésion. Deux opulentes cités, Bordeaux et Marseille, vouées à des applications analogues,