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Les révolutions, qui bouleversent les lois, ne changent point les mœurs; aussi en matière de responsabilité celles-ci se sont-elles trouvées assez fortes pour modifier déjà singulièrement, sur ce point-là, le texte de nos institutions. Quoique les ministres de l’empereur, aux termes du plébiciste de 1851, ne dépendent plus en droit que du pouvoir exécutif seul, on les a vus parfois, à leur grand honneur personnel, compter avec les chambres aussi bien qu’avec l’opinion publique. Ni M. Fould, arrivé aux affaires par suite d’une sorte d’engagement bilatéral devenu le programme de son avènement, ni M. Drouyn de Lhuys, rentré au pouvoir afin d’y représenter dans la question italienne une politique différente de celle de son honorable prédécesseur, n’ont accepté l’attitude d’acteurs engagés pour jouer tous les rôles; leur intervention a une signification nette et précise, et s’ils quittaient le cabinet, le monde financier comme le monde diplomatique se rendraient parfaitement compte de la portée d’une telle retraite. Enfin, lorsqu’au lendemain des élections on a vu tomber le ministre qui les avait faites avec une ardeur mal servie par la fortune, il faut trouver naturel, que la France entière cherche à cette retraite une signification politique. On notifierait vingt fois au pays qu’il a tort; celui-ci est assez obstiné pour persister à croire qu’il a raison. La convenance d’organiser la responsabilité personnelle des agens du pouvoir est peut-être l’idée sur laquelle l’opinion publique a le moins varié en France depuis le commencement de la révolution.

En remettant la France sous ce rapport en communion avec tous les peuples libres, rien n’interdirait d’ailleurs de renforcer encore les précautions prises par la législation aujourd’hui en vigueur pour protéger les chambres contre les intrigues dont le pays a gardé un souvenir si fatal à la liberté. On peut fort bien retrouver le bénéfice des véritables principes sans être contraint de les encadrer dans certaines formes sacramentelles dont la destinée a certainement été malheureuse. La constitution du 14 janvier 1852 a introduit dans le mécanisme politique quelques modifications dont aucun esprit sensé ne saurait méconnaître là convenance et l’utilité. L’intervention préalable du conseil d’état dans la confection des lois, l’obligation imposée à la chambre de débattre avec ce grand corps administratif des amendemens qu’on a pu croire quelquefois improvisés par la légèreté ou par le calcul, le droit attribué à la législature de rédiger elle-même le compte-rendu de ses débats, ce sont là des améliorations que personne ne songe assurément à répudier. On peut attribuer le même caractère aux dispositions constitutionnelles qui ont interdit l’accès du corps législatif à tous les fonctionnaires salariés, et bien loin de revenir sur une mesure aussi salutaire,