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c’est aux Mexicains à consulter leurs propres intérêts. » L’Espagne, plus récalcitrante, parce qu’elle aurait voulu la couronne pour un de ses princes, et comptant sans le plénipotentiaire qu’elle envoyait, ne voyait pas moins la monarchie au bout de l’expédition.

D’où venait cette idée? Elle n’était point nouvelle sans doute; elle s’est produite plus d’une fois au Mexique comme l’expression de la lassitude d’une anarchie prolongée. Elle pouvait naître au spectacle de l’impuissance des partis, de la décomposition de cette malheureuse république et aux récits des agens étrangers, qui laissaient entrevoir quelquefois que c’était tout au plus l’affaire d’une promenade d’un régiment de zouaves à Mexico. Au fond, elle était surtout répandue et entretenue par quelques Mexicains bannis ou émigrés volontaires, qui voyaient dans l’intervention une occasion unique de poursuivre à l’abri du drapeau européen un projet longtemps médité, et qui flattaient habilement le gouvernement français de la séduisante perspective d’un empire créé sous ses auspices au-delà de l’Atlantique, de la régénération d’un peuple due à son initiative. Ces Mexicains, je le crois, voyaient dans cette combinaison le salut de leur pays. Ce qu’ils ajoutaient, ce qu’ils laissaient espérer et ce qui était dangereux, parce que c’était l’illusion se glissant dans la politique, c’est que l’œuvre était facile, c’est que la simple apparition des forces alliées au Mexique allait déterminer une insurrection soudaine et universelle des élémens conservateurs. On le croyait si bien que lorsque l’un de ces Mexicains, le général Almonte, était expédié dans son pays au commencement de 1862, c’était dans la pensée que tout était à demi accompli déjà. Et cependant, au moment même où l’on disait en France que nos soldats étaient en marche sur Mexico, rien n’était fait; une partie des forces alliées était beaucoup plus près de se replier vers la Vera-Cruz pour se rembarquer que de se tourner vers Mexico, et le général Almonte, arrivant dans cette confusion avec sa monarchie toute faite, n’était qu’un embarras de plus.

La manière même dont l’expédition était combinée et exécutée à l’origine ne portait pas moins la marque de l’incertitude des trois politiques qui venaient de se lier par un traité. Il est malheureusement vrai qu’on partait comptant un peu sur la bonne fortune. On allait chercher ensemble la réparation de griefs aussi nombreux qu’éclatans, et on ne se mettait point d’accord sur la portée précise des réclamations qu’on allait soutenir en commun. On allait demander au Mexique de se régénérer sous la protection de l’Europe, de se donner un gouvernement nouveau offrant des garanties d’avenir pour lui-même, d’équité, de sécurité pour les étrangers, et on affectait de s’interdire toute immixtion dans les affaires mexicaines. On