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croyait au moins la guerre possible, puisqu’on envoyait des soldats, puisqu’une marche dans l’intérieur était prévue, et on semblait ne point se douter que dans un pays inconnu, presque désert, ces soldats qu’on envoyait avaient besoin de moyens de transport, de vivres assurés, d’objets de campement, d’un matériel de guerre. L’armée espagnole elle-même, on le sait, quoique plus nombreuse et plus à portée de ses ressources de La Havane, n’était nullement organisée pour l’action. Un seul bataillon avait de quoi camper, et ni Espagnols, ni Anglais, ni Français, n’avaient de quoi faire une étape. Je ne par le plus de l’arrivée prématurée des Espagnols avant les autres alliés et de cette façon décousue dont s’engageait l’expédition.

Qu’en pouvait-il résulter? C’est qu’une fois l’expédition partie, les gouvernemens n’étaient plus maîtres de rien; on allait se trouver à chaque pas en face de l’imprévu, de l’inconnu. De la confiance exagérée qu’on avait eue dans une insurrection spontanée du peuple mexicain pour la monarchie, tout au moins contre le gouvernement radical de M. Juarez, on retombait dans cette déception qui attendait les agens européens à leur débarquement, et qui allait devenir une source de dissentimens entre eux. A la Vera-Cruz, ils demandaient où étaient les partisans, les amis de l’intervention, et on leur répondait qu’ils étaient dans l’intérieur du pays. Une fois dans l’intérieur, ils cherchaient encore ces conservateurs qui devaient se lever à leur approche; on leur répondait qu’ils ne pouvaient se montrer, qu’ils étaient sous le coup de la terreur inspirée par Juarez et les siens. — De l’absence de toute intelligence précise entre les gouvernemens sur les objets principaux de l’intervention naissaient les conflits d’interprétation entre ceux qui étaient envoyés au Mexique, Les plénipotentiaires en venaient rapidement à ne plus s’entendre sur rien, ni sur le but de l’expédition ni sur le sens du traité du 31 octobre, pas même sur la manière de présenter leurs réclamations. Ceux qui ne voulaient pas traiter avec M. Juarez avaient raison, puisque ce pouvoir n’offrait point évidemment les garanties d’avenir et de sécurité qu’on allait demander au Mexique; ceux qui refusaient de voir dans l’intervention le renversement nécessaire et préalable de M. Juarez n’avaient point tort, puisqu’on déclarait qu’on ne voulait point s’immiscer dans les affaires intérieures du Mexique. Il en résultait qu’on traitait et qu’on ne traitait pas, qu’on gagnait du temps, et que l’alliance se dissolvait lentement avant de se rompre avec éclat à Orizaba, devant l’ennemi.

Chose plus grave, de l’insuffisance des moyens mis au service de l’expédition naissait une nécessité d’inaction là où on avait prévu presque un coup de main, et c’est ce qui expliquait cette convention de la Soledad, qui était, si l’on veut, un arrêt dans l’intervention,