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général Lopez, s’était chargé de cette mission d’un achat de mules; il ne songea qu’à ses propres affaires, et on quitta Tampico après avoir perdu du temps et avoir compromis les habitans qui s’étaient ralliés à nous. Un travail immense, insaisissable et ingrat était donc nécessaire pour préparer cette marche en avant de toute une armée, et si l’on songe aux lenteurs inévitables de ces opérations multiples, on comprendra comment le général Forey, arrivé à la Vera-Cruz le 25 septembre, à Orizaba le 24 octobre, n’était prêt cependant à entrer en action que quatre mois plus tard, comment ce résultat, si lent qu’il fût, eût été même impossible sans les prodigieux efforts de la marine, toujours occupée a seconder les chefs de l’armée au milieu des obscures épreuves de la fièvre jaune, qui s’était abattue sur l’escadre et emportait les officiers, les aumôniers, les médecins militaires, des équipages presque entiers.

Pendant ce temps, M. Juarez ne restait point certainement inactif. Le gouvernement de Mexico, sentant le péril venir, se disposait à une défense sérieuse, plus sérieuse peut-être qu’on ne le pensait. Il avait organisé trois armées : l’une de réserve, commandée par M. Manuel Doblado, qui, après avoir quitté le ministère des affaires étrangères, était rentré dans son état de Guanajuato, dont il était gouverneur; l’autre, l’armée du centre, placée sous les ordres de M. Ignacio Comonfort, un rival de M. Juarez autrefois, un ancien président, qui s’était rapproché du gouvernement, et recevait la mission de couvrir Mexico en opérant sur la ligne de Puebla. Ces deux armées ne constituaient pas une force bien redoutable. La troisième, la plus nombreuse et la mieux façonnée à la guerre, était celle que notre corps expéditionnaire avait devant lui, qui, depuis la mort du général Zaragoza, avait pour chef le général Gonzalez Ortega, et qui au moment voulu devait défendre Puebla. La ville même de Puebla se trouvait dans un sérieux état de défense. On avait mis le temps à profit depuis huit mois pour augmenter les fortifications, pour développer les travaux. Il y avait deux forts principaux, ceux de Guadalupe et de Loreto, et sept forts secondaires. Guadalupe était armé de plus de quarante canons, et cent pièces de gros calibre étaient réparties entre les autres forts de façon à croiser leurs feux. En outre des quartiers entiers, les maisons, les édifices, avaient été barricadés avec un art singulier. Des approvisionnemens immenses avaient été accumulés dans la ville, comme en vue d’un long siège. Tous les couvens avaient été convertis en magasins et en arsenaux. Le général Ortega, qui devait défendre Puebla, n’était point un soldat, quoiqu’il se fût fait une certaine réputation, il y a quelques années, en battant le dernier président conservateur du Mexique, Miramon. C’était, comme la plupart des