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généraux de M. Juarez, un militaire improvisé dans la guerre civile; mais il avait la bonne volonté de combattre, et il avait avec lui les généraux Negrete, Mendoza, Ghilardi, Lamadrid, Paz, un officier du génie, le colonel Colombrès, qui avait dirigé les travaux de défense de Puebla. On était ainsi en présence, s’observant encore, lorsqu’à la fin de février 1863 nos corps s’ébranlaient, les uns venant par la route de Jalapa et de Perote, les autres partant directement d’Orizaba, franchissant de nouveau les défilés des Cumbres, et tous se réunissant sur le plateau pour marcher ensemble sur Puebla, où Gonzalez Ortega venait de se réfugier. En ce moment extrême, M. Juarez lui-même partait de Mexico pour passer une revue de l’armée mexicaine, qui était de plus de vingt mille hommes. Tout se préparait donc : de jour en jour on se rapprochait. Le 16 mars, l’armée française tout entière, avec ses convois et son matériel, se concentrait au village d’Amozoc, et le 18 chaque corps avait pris son poste pour l’action. Le siège était commencé, un siège véritable, régulier, se développant pas à pas à travers les dramatiques péripéties de la guerre.

Je ne sais si quelque illusion obstinée avait pu survivre encore. A la puissance des combinaisons défensives qui enlaçaient Puebla, à la vigueur des premiers engagemens, on ne tardait pas du moins à reconnaître que c’était là une opération des plus sérieuses, et durant ce siège de deux mois entiers peut-être y eut-il des momens d’anxiété, d’incertitude cruelle, où le général Forey était tout près de croire que les moyens dont il disposait étaient encore insuffisans, que la France avait à envoyer un nouveau contingent. Une inquiétude singulière régnait à la Vera-Cruz, où l’on ne savait rien, parce que le général Forey, depuis qu’il était engagé, avait coupé toute communication. Ce fut la source de tous ces bruits qui se répandaient un instant en Europe, représentant l’armée française comme ayant échoué encore une fois et prête à lever le siège. Ce qui était vrai, c’est qu’on ne marchait que pas à pas, rencontrant une résistance opiniâtre, n’emportant chaque ouvrage qu’au prix des plus énergiques efforts, échouant quelquefois. Chaque pâté de maisons nécessitait un siège particulier, et on se voyait menacé d’avoir à enlever ainsi la ville morceau par morceau. « Il faut voir soi-même, écrivait le général Forey, les défenses incroyables accumulées par l’ennemi dans les quadres pour s’en faire une idée et apprécier tout ce qu’il faut que nos soldats déploient d’audace, d’énergie, de patience, pour s’emparer de ces forteresses, bien autrement difficiles à enlever qu’un fort régulier. On ne peut comparer à rien de ce qu’on voit en France la disposition de Puebla, disposition de toutes les villes du Mexique, qui comptent presque autant d’églises que de