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maisons, et où toutes les maisons en terrasse se dominent les unes les autres. Dans le quadre 29, il y avait une usine dans la cour de laquelle les Mexicains avaient fait une espèce de redan dont les deux faces s’appuyaient sur deux côtés de la cour à des maisons crénelées. Ce redan était précédé d’un énorme fossé de 4 à 5 mètres de largeur et autant de profondeur. Le parapet avait plus de 4 mètres d’épaisseur, et le talus inférieur était formé d’énormes madriers en bois de chêne. Derrière ce redan, toutes les constructions étaient crénelées, et les issues préparées et couvertes de tambours. D’un quadre à l’autre, la communication était établie par une galerie souterraine. Nos soldats n’auraient jamais pu enlever cet ouvrage, si la brèche pratiquée dans le quadre, sur l’indication d’un habitant, n’avait donné accès dans les écuries de l’usine, espèces de caves voûtées parallèles à la face du redan, qui a pu être tourné par ces écuries... »

Un jour, le 25 avril, on se disposait à attaquer un de ces quadres, celui de l’église et du couvent de Santa-Inès. Malheureusement les zouaves formant la tête de colonne, emportés par leur fougue et bravant un feu meurtrier, se laissaient entraîner au-delà d’un obstacle formidable sans regarder derrière eux; ils s’aperçurent trop tard qu’ils n’étaient pas suivis, et là, ne pouvant ni avancer ni reculer, après avoir combattu jusqu’au bout comme des lions, selon le mot du général Ortega lui-même, ils restèrent prisonniers, intimidant encore leurs adversaires de leur fière attitude. On avait échoué, c’était à recommencer, et le temps s’écoulait. Les lenteurs mêmes du siège étaient considérées comme un triomphe, et les coups d’éclat de la résistance retentissaient à Mexico. Le 29 avril, sous le coup même de l’affaire de Santa-Inès, M. Juarez, en ouvrant la session du congrès, disait dans un discours enflammé : « Le monde entier acclamera notre honneur, parce qu’en vérité ce n’est pas un petit peuple celui qui, divisé et travaillé par de longues et désastreuses guerres civiles, trouve en lui-même assez de virilité pour combattre dignement contre le monarque le plus puissant de la terre... » Et le président du congrès répondait à son tour : « Non, non, il n’est pas petit, il n’est pas misérable, il ne mérite pas la servitude, le peuple qui, pliant sous le poids de calamités inouïes, montre tant d’énergie quand on le croyait déchu, multiplie sa force jusqu’au prodige, et soutient sans secours étrangers toutes les complications d’une situation si hautement compromise. » En définitive, la place se défendait vigoureusement, c’est là ce qu’il y avait de clair; le reste était de l’exaltation de langage, et quant à la durée de la résistance, la garnison elle-même était peut-être la première à ne point se laisser aller aux illusions qu’on paraissait se