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dialogue en aussi menus morceaux qu’il le peut, et les tirades lui sont à peu près inconnues; mais s’il n’y prend garde, cette précaution, assez sage en apparence, lui jouera un mauvais tour, et pour avoir voulu trop chercher la rapidité et fuir la monotonie, il écrira des vaudevilles en vers au lieu d’écrire des comédies. Ce défaut est déjà sensible dans sa nouvelle pièce, le Dernier quartier. C’est encore d’une sorte d’indifférent qu’il s’agit ici. Quoiqu’elle soit écrite en vers, cette petite comédie ne nous éloigne donc pas des mœurs et des caractères que nous venons de passer en revue. Raymond est un jeune mari qui a certainement été camarade d’adolescence d’Aristide Simonet. Au bout de six mois de mariage, son affection est à bout de force ; cependant il finit par reprendre courage et promet d’aimer sa femme autant qu’il pourra. Nous n’avons pas à raconter les menus incidens qui l’amènent à cette louable résolution; qu’il nous suffise de dire que la petite comédie dont il est le héros marche sans embarras, d’une allure dégagée, et qu’elle par le un langage facile et quelquefois heureux.

Ainsi partout, même dans la comédie en vers, le théâtre nous ramène à la réalité contemporaine. Je ne vois guère qu’un seul rebellé à cette domination acceptée de tous. Voici une fantaisie de M. de Banville, Diane au bois, où. l’auteur s’est abandonné tout à son aise à son amour pour les images et les métaphores. M. de Banville, qui a un goût très vif, on ne peut le contester, pour toutes les jolies choses poétiques, a-t-il lu par hasard l’Aminta du Tasse? Nous croirions volontiers qu’il a pris la donnée première de sa comédie héroïque (c’est le titre qu’il a donné à sa pièce) dans le prologue de la pastorale italienne, où l’on voit l’Amour en habit de berger vivant parmi les simples gens des campagnes, et venant annoncer qu’il se dispose à châtier le cœur de la plus cruelle des nymphes qui suivent le cortège de la chaste Diane. Nous nous bornons à indiquer cette ressemblance, peut-être trompeuse. L’emprunt d’ailleurs, si emprunt il y a, est de ceux qui sont parfaitement autorisés. Si je fais cette observation, c’est que sa pièce, tout antique qu’elle s’intitule, semble s’être promenée dans beaucoup de lieux qui sont très modernes, et qu’il n’y aurait par conséquent rien d’étonnant à ce qu’elle eût fait une excursion dans la pastorale italienne. Le dilettantisme poétique de M. de Banville est en effet très souple et très étendu, car il va de Théocrite et de Virgile à Ronsard et à Shakspeare. Sa pastorale de Diane au bois est sous ce rapport une œuvre de marqueterie poétique des plus curieuses. Ses dieux et ses nymphes tantôt se contentent de traduire correctement et sobrement le langage des bergers de Théocrite, tantôt s’abandonnent à la furie métaphorique comme les personnages de Shakspeare, tantôt parlent gravement