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de reconnaître que l’auteur du portrait puisse être aussi le peintre du tableau.

Peut-être la toilette, les galons, les bijoux et surtout les crevés blancs du corsage sont-ils dans le portrait d’un relief et d’une exactitude, d’une précision tellement accusés qu’ils diffèrent un peu des accessoires du même genre semés dans le tableau. A notre avis, ceux du tableau sont plutôt supérieurs, d’un réalisme plus fin, moins matériel, suffisamment fidèle aux traditions flamandes primitives, et légèrement tempéré par les influences italiennes. S’ensuit-il qu’un même homme, dans deux ouvrages de dimension si différente, n’ait pas pu modifier, surtout en si faible mesure, ses procédés d’exécution? Voyez Holbein : est-il le même dans ses portraits et dans son chef-d’œuvre de Dresde, la grande Vierge au donataire? Ses portraits, même de date postérieure à la Vierge, ne sont-ils pas plus secs, plus minutieux, moins largement, moins grassement traités? Rien d’étonnant qu’à son exemple Clouet, devant un petit panneau à peine grand comme la main, se soit abandonné à ses goûts d’archaïsme, et que sur un champ plus vaste il ait imprimé plus d’ampleur, plus de souplesse à son pinceau. Ne semble-t-il pas d’ailleurs qu’il veuille se donner le plaisir de singer, dans un coin de son œuvre, les grands airs, les façons magistrales de ses confrères de Fontainebleau? La femme vue de dos dont nous avons parlé n’en est-elle pas la preuve? Regardez-la, voyez sa pose : c’est un Primatice trait pour trait; approchez-vous, comptez les perles qui ornent sa coiffure : c’est le travail d’un Van Eyck.

Mais Clouet, dira-t-on, a-t-il fait des tableaux et des tableaux de cette dimension? Pour des tableaux, la preuve en est écrite dans mainte page que nous pourrions citer. Il en faisait rarement, il est vrai, les portraits absorbant tout son temps; mais on sait qu’il groupait des figures et faisait des compositions d’un caractère historique. Seulement par malheur nous n’en possédons pas. Si ses portraits, quoique en grand nombre, ont presque tous péri, on comprend à plus forte raison que ses tableaux aient disparu. Il en est cependant dont l’existence est constatée par un document authentique, l’inventaire des tableaux du roi dressé en 1709 et 1710 par Bailly et conservé aux archives du Louvre. Bailly signale plusieurs Clouet représentant des sujets relatifs à l’histoire des Médicis, surtout à celle de Catherine, et ce ne sont pas de petits tableaux ; ils ont, selon l’inventaire, jusqu’à sept et neuf pieds de longueur. Reste à savoir si Bailly ne s’était pas trompé, si les tableaux étaient bien de Clouet. Or en 1710 les moyens de contrôle n’étaient-ils pas assez nombreux et les traditions assez fraîches, pour qu’il y ait lieu d’ajouter foi à cette attribution? En tout cas, le document nous prouve