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effet rendus ces monumens de notre ancienne école, restés cachés depuis assez longtemps. On nous les rend, mais non pas, comme nous l’espérions, dans un local approprié à leur modeste taille et combiné pour les faire valoir. Ces malheureux petits portraits, ils sont accrochés aux parois d’une gigantesque salle, sans protection, sans abri, dans un espace qui les dévore, pêle-mêle avec les grands tableaux superposés qui tapissent ces immenses murailles ! Est-il donc vrai que chez nous les chefs-d’œuvre de la peinture seront éternellement sacrifiés à l’architecture d’apparat, cet art lourd et stérile qui ne pense qu’à lui, sans que son égoïsme ajoute rien à sa beauté. Le jour ne viendra-t-il jamais où les galeries de peinture seront bâties pour les tableaux ?

Mais revenons aux deux Clouet du Louvre, à ces deux témoins authentiques qu’il nous tarde d’interroger. Eux seuls peuvent nous dire si M. de Lachnicki a de justes raisons d’attribuer à Clouet son tableau. Quels sont ces deux portraits ? D’abord le Charles IX en pied portant le no 107 est placé maintenant dans la nouvelle salle de l’école française, puis la femme de Charles IX, Elisabeth d’Autriche, portant le no 108, et exposée depuis longtemps dans un angle du grand salon carré.

Le Charles IX, quoique peint à l’huile, est, à vrai dire, une miniature, délicieux travail, admirable bijou, mais sans points de contact et sans analogie possible avec une peinture de dimension beaucoup plus grande. Heureusement l’autre portrait n’a pas la même échelle. La jeune reine est représentée en buste seulement et dans ces proportions de demi-nature qui correspondent justement à celles de notre tableau. Dès lors la comparaison devient directe et facile, d’autant plus qu’elle s’établit entre figures de femmes, ce qui promet un résultat encore plus concluant. Or nous ne dirons pas qu’il y ait identité dans le faire des deux œuvres ; les contours du portrait semblent au premier coup d’œil un peu plus arrêtés, le modelé moins souple, presque plus archaïque, bien qu’en vertu des dates présumées le portrait soit nécessairement postérieur au. tableau d’environ dix années ; mais là se bornent les différences. Elles sont dues en partie aux dissemblances des modèles, le portrait s’inspirant d’une nature germanique, empesée, non sans un certain charme de jeunesse, mais raide et sans abandon, tandis que le tableau nous montre de jeunes femmes plus largement pourvues de grâce naturelle et de laisser-aller. Or, sans compter que jamais, entre œuvres exécutées même à court intervalle par une même main, la similitude absolue de la touche et du trait ne saurait exister, nous ferons remarquer qu’ici sur tant de points cette ressemblance est complète, qu’il faudrait un penchant bien décidé au scepticisme pour refuser