Comment ! Ne vous êtes-vous pas aperçu qu’elle allait bouder avec Herman dans tous les coins du salon?
Oh ! je raccommoderai tout cela demain! (Il se lève.) Adieu, messieurs! Je n’ai pas, comme vous, l’habitude de veiller. L’heure du couvre-feu est sonnée depuis longtemps, (Il échange une poignée de main avec Herman et salue Noirmont.)
Bonsoir, baron! (Pendant que Fritz prend un bougeoir sur le guéridon il se dirige vers la première porte de droite.) Malgré vos principes, ce n’est pas de votre fiancée que vous rêverez cette nuit. (Fritz sort.)
Salut! fils immaculé de l’ignorance et du passé! modèle de vanité puérile et de candeur virginale ! Amoureux stagiaire, dont les passions sans courant étaient pures comme les eaux dormantes d’un lac! Un mot d’Herman à l’oreille de Pompéa et quelques regards capricieux de cette adorable fille ont suffi pour le troubler! La comédienne n’existe plus, c’est une reine ! une sainte ! Encore un jour, et, si elle le veut, le fiancé faussera ses sermens, se brouillera avec sa famille, afin de mettre aux pieds de la cantatrice sa fortune et son nom !
Le petit beau-frère n’est pas fort, et Pompéa n’en ferait qu’une bouchée. (Ils viennent sur le devant de la scène.) Mais vous devez être content de moi, cher tuteur; ma tenue n’a pu éveiller aucun soupçon?
Oui... Tu lui as donné un rendez-vous.
Évidemment. Je ne pouvais pas, quand nous nous rencontrons après deux ans de séparation, lui refuser un moment d’entretien.
Soit ! J’en étais sûr... Quand vient-elle?
A minuit.
Je vais donc vous laisser.
Il n’est pas temps encore.
Puisque tu me retiens, parlons à cœur ouvert : tu es fier de ta réserve à l’égard de Pompéa? Mais crois-tu bonnement que j’aie été ta dupe? Me prends-tu pour un fiancé allemand, ou comptes-tu sur mon grand âge pour n’avoir pas aperçu tes manèges avec Emma?