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POMPÉA, se dirigeant vers la deuxième porte.

Non ! tu n’es plus à moi. Elle ouvre la porte.) Écoute mon adieu : ou toujours, ou jamais! jamais au comte Herman, ou toujours à Pompée!


SCÈNE VI.


HERMAN, seul.

Elle m’a résisté!... c’est un bonheur sans doute; quelle faute elle m’a épargnée! Comme Noirmont triompherait de ma lâcheté! J’avais bien commencé; devant le sincère récit de mon unique amour, Pompéa se serait résignée, si mon empressement auprès d’Emma, son imprudent abandon dans cette fatale soirée n’avaient renversé tous mes plans! Emma! toujours Emma! Pourvu qu’une lueur de la vérité n’ait pas pénétré jusqu’à l’âme d’Isabelle!... car je ne joue pas la comédie vis-à-vis de moi-même : j’adore ma femme, mon enfant; pour eux, je supporterais la pauvreté, la misère; je courrais avec joie au-devant de la mort. Comment se fait-il donc que je succombe à toutes les tentations? Serait-ce le châtiment d’une vie de débauche? ou la nature, plus puissante que les règles de conduite, les sermens, la conscience même, se rit-elle de nos aspirations à la vertu? (Il ôte sa robe de chambre et commence à s’habiller.) Après tout, Pompéa est une ancienne maîtresse; un retour vers elle eût été sans conséquence... Mais Noirmont a raison, tout le danger est du côté d’Emma. Quel progrès en une seule soirée ! L’effet de ma voix, la présence de Pompéa, une sorte de jalousie, même à propos de ce Fritz dont elle fait si bon marché, l’avaient enfiévrée au point que nos rôles semblaient intervertis : réserve, soin des apparences, jusqu’aux craintes qui souvent tiennent lieu de vertu, elle avait tout oublié. Une pareille liaison serait un crime; elle ruinerait le bonheur d’Isabelle. A tout prix, je dois rompre ! Oui, dès demain, je romprai avec elle. (Étant complètement babillé, il se couvre d’un manteau et regarde à sa montre.) Il est bien tard!... Bah! allons trouver Lisette !


IV.
le salon du premier acte.
SCÈNE PREMIÈRE.

HERMAN, ISABELLE, POMPÉA. Isabelle et Pompéa sont assises près de la table du milieu ; Herman va et vient.

ISABELLE, à Herman.

C’est aimable à vous, Henri, d’avoir préféré à leur bruyante cavalcade notre paisible compagnie.

HERMAN

Quoi de plus naturel?... D’ailleurs, entre Fritz et Noirmont, Emma n’a rien à désirer.

ISABELLE, à Pompéa.

Vous devez être bien blasée, mademoiselle, sur les complimens; pourtant