je ne puis m’empêcher de vous redire les émotions délicieuses que me cause votre voix.
Nous autres artistes, on prétend que nous ne sommes jamais rassasiées d’éloges : en ce qui me regarde, ils n’ont de prix que suivant la personne qui les donne; mais j’avoue, madame, que les vôtres me font plaisir.
Je voudrais être plus savante en musique afin que mon suffrage eût plus d’autorité. Je ne juge que par impressions; seulement ces impressions sont si vives, que souvent le plaisir me fait mal.
Hier, après que vous avez eu chanté la romance du Saule, qu’elle voulait vous faire recommencer, Isabelle était dans un état de surexcitation vraiment déplorable. Aussi, je m’y suis opposé. Elle est si peu raisonnable ! Ce sont précisément ces morceaux d’une tristesse passionnée qu’elle préfère.
Que voulez-vous, mon ami? Je ne peux changer mon organisation! Mais j’aurais à mon tour une grosse querelle à vous faire : n’est-ce pas, mademoiselle, que c’est affreux, avec une voix comme la sienne, de m’avoir caché pendant deux ans qu’il chantait?
Le comte, en effet, a une voix comme nous n’en possédons pas au théâtre.
Mademoiselle, veuillez, je vous prie, détromper ma femme sur mon prétendu talent; je ne sais pas une note de musique, et ce duo dans lequel vous avez eu la bonté de me seriner ma partie était mon unique cheval de bataille.
Il est vrai; mais vous devriez avoir honte de votre paresse.
Je ne lui donnerai pas de répit qu’il ne m’ait promis de travailler : avec sa facilité, je suis sûre qu’en deux ou trois mois il pourrait chanter tout ce qu’il voudrait, surtout si vous l’encouragiez de vos conseils, (ici Isabelle tend la main, à Pompéa.)
Encore vos expériences?... Quel enfantillage!
N’importe ! si mademoiselle veut bien s’y prêter.
Tant que vous voudrez.
Je n’aime pas, Isabelle, que vous vous abandonniez à ces idées d’influence magnétique. Figurez-vous, mademoiselle, qu’elle croit, en mettant ses mains en contact avec celle d’une autre personne, deviner si elle doit entrer en intimité avec elle, et si elle pourra compter sur son amitié !
C’est une croyance de mon pays. Je n’ai ni votre clairvoyance naturelle,