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auxquelles le pinceau se trouvait condamné, quant au coloris, par l’insuffisance de la lumière. Le mouvement surbaissé des courbes de la coupole et l’aplatissement qui en résulte pour la partie supérieure de celle-ci prescrivaient dans l’expression de la forme, dans le dessin, des combinaisons non moins délicates. Il fallait, en traçant les figures, avoir égard à la différence des plans sur lesquels ces figures se développeraient et opérer de telle sorte qu’une surface presque verticale à la base, presque horizontale au sommet, ne faussât ni la vraisemblance des attitudes, ni l’exactitude des proportions ; il fallait que tel personnage debout, dont les contours suivent la courbure de la voûte, gardât cependant son aplomb, ou que tel autre, se présentant en raccourci dans la composition, ne se modifiât pas jusqu’à prendre un aspect tout contraire et à se déformer, à s’allonger en raison de la concavité ou de l’inclinaison du champ.

M. Roger a-t-il toujours réussi dans ses efforts pour maintenir cet équilibre entre l’apparence et la réalité ? S’est-il montré aussi habile à combiner des proportions et des formes de détail qu’à déterminer l’effet, l’harmonie de l’ensemble par l’association des couleurs ? Nous ne le pensons pas. La figure agenouillée de saint Roch, entre autres, nous semble, dans le mouvement, dans la structure même, manquer de précision et de fermeté. Peut-être la faute en est-elle aux accidens de la perspective, mais le corps paraît trop long pour la tête : il a quelque chose de fléchissant, d’insuffisamment installé qui inquiète le regard, au lieu de le convaincre tout d’abord. Ailleurs, dans plusieurs figures d’anges par exemple, les parties nues, modelées avec quelque mollesse, trahissent, non pas les négligences du pinceau, — il fait de son mieux partout et obéit à une main invariablement zélée, — mais, une certaine hésitation secrète à interpréter même ce qui a été examiné de plus près et le plus attentivement étudié. En général, on peut dire de l’œuvre de M. Roger qu’elle a moins de valeur au point de vue de la forme pure que sous le rapport de l’ordonnance et du coloris. Le dessin y est le plus souvent correct, sans être pour cela très savant, de cette science du moins supérieure à la connaissance de la syntaxe pittoresque. Il témoigne de recherches soigneuses, d’une louable application à ne rien omettre comme à ne rien exagérer : il ne résulte pas assez ouvertement d’une émotion personnelle en face de la nature, d’une aptitude particulière à dominer le fait, à ne se l’assimiler que pour en dégager la signification distinctive ou imprévue. Il reste en un mot un peu dépourvu de ce que, dans la langue des arts, on nomme « le caractère, » c’est-à-dire l’expression vivement accentuée de la physionomie des choses et du sentiment éprouvé par l’artiste à propos de celles-ci.