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« Le soleil se lève brillant en France, et il est beau encore à son coucher ; mais ce spectacle a perdu le charme qu’il avait jadis pour moi dans mon pays natal. Ce n’est pas la pensée de ma propre ruine qui rend mes yeux humides, mais ma chère Marie et les trois petites créatures que j’ai laissées là-bas. Ah ! c’est mon cœur tout entier que j’ai laissé derrière moi dans mon pays ! »


Au contraire, du fond de l’Ecosse, ceux qu’avaient épargnés la mort et l’exil s’élançaient par la pensée, au-delà de l’Océan, vers Charles (over the water, to Charlie).


« Je le jure par ce qu’il y a de plus sacré, si j’avais mille vies, je les donnerais toutes pour Charles !

« J’avais autrefois des fils, il ne m’en reste pas un. Dieu sait avec quelle peine je les avais élevés ! Eh bien ! je voudrais les voir encore naître, grandir, et les perdre tous pour Charles. »


Quel dévouement que celui qui inspirait de tels accens, et quelle amertume dans ces strophes aux renégats dont la fidélité de courte haleine s’inclinait complaisamment devant les faits accomplis !


« Vous, jacobites de nom, prêtez l’oreille : je vais proclamer vos fautes et flétrir vos doctrines. Il faut que vous m’entendiez.

« Qui fait la bonne cause ou la mauvaise ? Une épée courte ou longue, un bras faible ou fort pour la manier.

« Que faut-il pour devenir le héros d’une lutte fameuse ? Aiguiser le poignard des assassins, et dans une guerre impie traquer un parent comme une bête fauve.

« Laissez là de vains projets. Adorez le soleil levant et abandonnez à son destin un homme fini (a man undone). »


Hélas ! ces derniers mots étaient l’arrêt de l’histoire, et, tandis que ce Charles Stuart, objet de tant d’espérances, vieillissait obscur et amoindri, la dynastie de Hanovre, poursuivant ses destinées, finissait par rallier à sa cause les intérêts, les dévouemens, et jusqu’à la chanson elle-même. Il est en effet à peu près certain aujourd’hui que le God save the king, auquel on a si souvent, sur la foi de mémoires apocryphes, attribué une origine française, fut une manifestation de la réaction hanovrienne contre l’insurrection jacobite de 1745. C’est alors qu’il parut pour la première fois dans le Gentleman’s Magazine, et qu’il fut chanté sur les théâtres de Londres avec des accompagnemens composés par les docteurs Burney et Cooke, qui, en attestant que le premier vers avait été primitivement God save great James, déclarèrent ne pas connaître l’auteur de la mélodie. Voilà les faits, tout le reste est du domaine de l’imagination.

Après l’insurrection jacobite, l’événement qui fit éclore le plus