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ne prévaudra plus, quoique l’on puisse faire, dans la Grèce, et que c’est en vain que l’on a crû arrêter à jamais, par le trépas de Capodistria, l’action des Grecs pour la délivrance de toute la Grèce. »


II

L’enthousiasme que les Ioniens déployaient ainsi pour leur union au royaume hellénique n’était-il qu’un de ces entraînemens passagers qui saisissent quelquefois les populations méridionales, et qui disparaissent bientôt, en ne laissant derrière eux que des regrets ? Était-il le résultat factice des trompeuses excitations d’un parti, ou l’expression d’un profond et inébranlable sentiment national ? Il suffit d’interroger l’histoire des sept îles pour répondre à cette question.

Avant même qu’il y eût un petit coin de terre libre qui s’appelât le royaume de Grèce, à quel système de terreur ne dut pas recourir sir Thomas Maitland pour faire accepter aux Ioniens la transformation du protectorat anglais en une domination réelle ? Puis, lorsqu’éclata la lutte de l’indépendance hellénique, quels moyens ne fut-on pas réduit encore à employer pour étouffer le mouvement irrésistible d’opinion qu’excitaient dans les sept îles les bruits de guerre apportés du continent voisin, pour empêcher les Ioniens de soutenir leurs frères de la Morée et de la Grèce continentale dans l’entreprise de la délivrance nationale ? Cependant, lorsqu’on parcourt l’histoire des Iles-Ioniennes sous la domination britannique, il semble au premier abord qu’il y ait eu interruption du mouvement national dans ce pays depuis la fin de la guerre de l’indépendance grecque jusqu’en 1848. Pendant ces dix-huit ans, le vœu d’annexion à la Grèce ne se produit pas ; mais comment aurait-il pu se manifester ? La constitution imposée en 1817 ne concédait ni la liberté de la presse ni la liberté des élections. Dans cette situation, le peuple septinsulaire ne pouvait faire qu’une chose : combattre par le petit nombre de moyens légaux qui demeuraient à sa disposition pour obtenir les réformes intérieures qui lui permissent de faire entendre sa voix. C’est ce qu’il fit, et après dix-huit années d’efforts les réformes si vivement disputées furent obtenues, ou plutôt arrachées à l’Angleterre en 1848, sous l’administration de lord Seaton, un haut-commissaire libéral et philhellène. Dès que les Ioniens purent écrire, parler et voter librement, sans courir d’autres risques que l’exil et les proscriptions de la haute police, les sentimens qui semblaient dormir dans le cœur du pays firent explosion avec une vivacité que rendait encore plus grande la compression à laquelle ils avaient été si longtemps soumis. Le gouvernement protecteur