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telles que les céréales, dont les Iles-Ioniennes ne produisent que pour trois mois de leur consommation, sont aussi grevées de droits de douane extrêmement onéreux ; mais en revanche les produits des manufactures anglaises ne paient à leur entrée que des taxes très légères et souvent illusoires. Ce n’est pas tout. Les douanes intérieures existent d’île à île dans l’état ionien comme dans la France avant 1789. Ainsi, pour envoyer une barrique d’huile de Corfou à Céphalonie ou à toute autre île, il faut payer d’abord 19 1/2 pour 100 de la valeur comme exportation à la sortie de Corfou, puis 10 pour 100 d’importation en arrivant à Céphalonie, en tout 29 1/2 pour 100 !

On perçoit de la sorte 172,000 liv. sterl. environ ; mais sur cette somme de recettes 87,500 livres sont employées à payer les frais de maison du lord haut-commissaire, la haute police, la garnison anglaise, ou à servir des pensions à des citoyens britanniques ; 30,500 autres livres sterling se dépensent pour les traitemens d’une cinquantaine de postes administratifs supérieurs. Il ne reste donc que 54,000 livres à employer pour les véritables besoins du pays. Aussi la plupart des services publics n’ont-ils à leur disposition que des fonds insuffisans. Celui de l’instruction publique, le plus brillant de tous en Grèce et l’un des plus nécessaires pour tous pays, est aux Iles-Ioniennes dans un état vraiment déplorable. Les maîtres d’école ne touchent que de 6 à 8 livres sterling par an, et la loi leur défend de recevoir aucun salaire de leurs élèves. Il en résulte que la plupart des écoles n’existent que de nom ; le maître, obligé, pour vivre, de chercher une autre occupation, ne fait pas sa classe, et tandis que dans la Grèce le nombre des hommes illettrés forme la petite minorité du peuple, surtout parmi les générations élevées depuis l’indépendance, dans les Iles-Ioniennes, avec la même race, aussi intelligente et aussi désireuse de s’instruire, les paysans qui savent lire et écrire constituent l’exception.

Et cependant, malgré cette insuffisance des crédits alloués pour quelques-uns des services publics les plus importans, les dépenses excèdent annuellement les recettes de 10,000 livres sterling, c’est-à-dire du dix-septième du revenu de l’état, et la dette flottante, dont l’Angleterre a eu soin de se rendre créancière, monte à un chiffre de 208,700 livres sterling pour un revenu de 172,000 livres. Une telle administration financière peut-elle être qualifiée de bonne ? Toute mauvaise qu’elle ait été jusqu’à présent, celle de la Grèce peut soutenir la comparaison.

Faut-il parler maintenant de l’industrie et du commerce des sept îles ? Le pays est inondé de produits des manufactures anglaises livrés aux plus bas prix ; les tarifs de douane ne fournissent aucune