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auparavant pour être placée sous celui des traités de l’état auquel elle appartiendra désormais. Le changement de condition diplomatique est la conséquence du changement de condition politique. C’est ce que nous avons vu se produire dans l’annexion de la Savoie et du comté de Nice à la France, et dans toutes les annexions qui ont constitué le royaume d’Italie. Il n’en sera pas de même dans l’union des Iles-Ioniennes à la Grèce. Un article spécial du traité du 14 novembre impose au gouvernement hellénique l’obligation de conserver indéfiniment les traités de commerce conclus par l’Angleterre au nom des sept îles ; mais comment maintenir cette différence de condition entre les îles et la Grèce pour les rapports commerciaux à l’étranger sans maintenir une ligné de douanes intérieures entre ces deux portions du pays ? Ce n’est donc pas seulement limiter une fois de plus la souveraineté du roi des Hellènes sur ses nouvelles possessions, c’est détruire le plus grand bénéfice que les Ioniens puissent tirer de l’union, car les faits signalés plus haut ont dû prouver que le premier besoin des Ioniens était la communauté du régime commercial et douanier entre les îles et la Grèce. Faudrait-il donc donner raison à ceux qui pensent que l’Angleterre, en laissant les sept îles s’unir à la Grèce, se flatte de les voir un jour retomber sous sa domination et s’efforce de créer entre les deux pays un dualisme qui rendrait l’union plus nominale que réelle et maintiendrait un germe constant de séparation ?

Des faits assez difficiles à expliquer d’une manière naturelle servent de base à ces soupçons. Un premier germe de dualisme a été déposé par l’Angleterre dans les protocoles du mois de juin 1863. En stipulant le paiement des 10,000 livres sterling hypothéquées sur le revenu des Iles-Ioniennes, qui doivent après l’union augmenter la liste civile annuelle du roi des Hellènes, elle a introduit la mention d’un trésor ionien distinct du trésor grec ; mais le parlement ionien et l’assemblée nationale d’Athènes ont tous deux repoussé cette distinction en décidant que le supplément de dotation serait payé par le trésor commun du royaume hellénique et non par un trésor ionien. On a vu reparaître la trace de la même idée dans les conditions que l’Angleterre a demandé au parlement de Corfou d’adopter pour la réalisation du vote d’union. Le premier article consistait à donner au roi des Hellènes sur les Iles-Ioniennes, jusqu’à l’établissement d’une nouvelle constitution, tous les pouvoirs exercés par le gouvernement protecteur et par le sénat. C’était lui donner une dictature absolue, puisque avec le pouvoir exécutif le sénat possédait aussi la plénitude du pouvoir législatif. Le parlement de Corfou a vu dans cet article une porte ouverte à l’établissement du dualisme que le peuple septinsulaire craint et repousse