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Page:Revue des Deux Mondes - 1864 - tome 49.djvu/139

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verbaux du parlement. Et c’est après avoir pris de tels engagemens envers le peuple des sept îles que le ministère anglais est venu demandera l’Europe la destruction des forteresses de Corfou, la neutralisation du territoire ionien, l’établissement du principe de dualisme, en posant ces différens points comme la condition absolue de la renonciation à son protectorat ! Que pourrait-il répondre, si le parlement ionien se réunissait demain, et lui disait : « Nous avons voté l’union, mais sous de certaines conditions ? Vous en ajoutez d’autres que nous ne connaissions pas, et qui nous semblent trop dures : à ce prix, nous ne voulons plus de l’union[1] ? »

On a également peine à s’expliquer la conduite tenue dans cette affaire envers le roi George personnellement. Voici un jeune prince que l’Europe a supplié d’accepter la couronne de Grèce pour se tirer d’un embarras d’où elle ne savait comment sortir. Il a fait de l’union des Iles-Ioniennes la condition absolue de son acceptation, et on lui a promis que cette union se ferait pure et simple, et sans restrictions. Et aujourd’hui qu’il a accepté la couronne en se fiant à la parole de l’Europe, aujourd’hui qu’il s’est rendu dans ses nouveaux états, on met à l’union promise des conditions qu’on lui avait cachées, des conditions aussi humiliantes pour lui que pour ses sujets. C’est donc à bon droit que la nouvelle du traité du 14 novembre a produit une émotion profonde et douloureuse dans Athènes ainsi que dans Corfou ; c’est à bon droit et avec la justice pour lui que le gouvernement hellénique, par l’organe de son représentant à Londres, M, Tricoupis, refuse de signer le traité d’union des Iles-Ioniennes tel qu’il a été rédigé, et en sollicite la modification. Que les gouvernemens des puissances protectrices de la Grèce y songent sérieusement : ils ont promis au jeune souverain des Hellènes une bienveillance active et un concours efficace ; ils ont dit qu’ils étaient résolus à faire tout ce qu’il faudrait pour consolider son pouvoir, et leur langage s’est même montré menaçant pour la Grèce dans le cas où elle voudrait traiter George Ier comme elle a traité Othon ; mais les peuples ne pardonnent jamais aux rois que leur avènement ait coïncidé avec une humiliation nationale, lors même qu’ils en sont entièrement innocens. N’avons-nous pas vu la France, oubliant que la restauration l’avait sauvée du démembrement, faire peser sur les Bourbons le poids de sa rancune contre les traités de 1815 ? Il serait à craindre qu’il n’en fût de même en Grèce pour le roi George Ier, si l’Europe persistait à lui imposer l’humiliant traité du là novembre. Une royauté abaissée à l’extérieur est une royauté plus qu’à moitié renversée à l’intérieur. Si donc les gouvernemens des trois

  1. Le parlement ionien vient en effet de protester contre le traité du 14 novembre.