Page:Revue des Deux Mondes - 1864 - tome 49.djvu/159

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

compétens semblent être très divisés sur cette question. Nos prédécesseurs, qui naviguaient seulement à la voile, se trouvaient par suite dans des conditions où ils n’ont pas senti le besoin d’étudier profondément cette question : elle n’est devenue véritablement très importante que pour le navire à vapeur, qui doit presque toujours faire sa route indépendamment de la direction des vents ou des courans, de l’état de la mer ou dix temps, ou qui, pour mieux dire encore, fait presque toujours sa route en contradiction plus ou moins complète avec toutes ces conditions. C’est parce qu’il est navire à vapeur, puisant dans ses propres flancs son principe de propulsion, et non pas parce qu’il est bâtiment cuirassé, que le navire moderne peut être exposé à des roulis plus considérables que l’ancien ; la cuirasse elle-même n’a rien à y voir. Voilà un premier point qui ressort des expériences auxquelles on vient de se livrer.

C’est donc depuis peu de temps que la question du roulis a pris une importance véritable, et malgré le mérite des hommes qui l’ont étudiée, il n’est pas étonnant que l’on ne soit pas d’accord à ce sujet. Dans la généralité du public et même des marins, la croyance est encore bien établie que le nombre des coups de roulis est déterminé par la succession plus ou moins rapide des lames qui viennent soulever le navire, et que l’amplitude de ces roulis est elle-même en raison inverse de sa stabilité. C’est en effet la théorie qui se présente tout d’abord à l’esprit ; mais voici des hommes éminens qui proclament que cette théorie est tout à fait fausse, et qui vont tirer des résultats observés pendant la campagne de l’escadre cuirassée des conclusions d’une puissance extrême. À de certains égards, ils ont déjà fort ébranlé l’ancienne théorie lorsqu’ils ont démontré que le navire le plus stable n’est pas celui qui roule le moins, et qu’il peut être celui qui a les roulis les plus vifs et les plus fatigans. Cela est accepté aujourd’hui, au moins par les plus distingués des marins ; mais on peut s’attendre à une discussion très vive lorsque nous allons voir enseigner, comme cela s’enseigne déjà, que le nombre des roulis d’un navire est absolument indépendant de l’état de la mer et du plus ou moins de rapidité dans la succession des lames, que chaque navire doit être considéré comme un pendule qui dans un état de chargement donné a un nombre d’oscillations constant qui lui est propre, que l’intensité et la rapidité des lames n’influent pas sur le nombre, mais seulement sur l’amplitude des roulis, qu’enfin le navire qui a roulé le plus aujourd’hui comparativement aux autres pourra être celui qui demain roulera le moins. C’est le cas qui peut se présenter lorsque le pendule, en donnant son nombre d’oscillations normal, rencontre par hasard dans l’agitation de la mer une cause de mouvement concordant, harmonique, synchrone avec le sien propre ; alors le navire étonnera par l’amplitude