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accusé, qu’on entendit ensuite, était de Jean-Louis Hasler, célèbre organiste de l’empereur Léopold II. Hasler voyagea en Italie et se rendit à Venise, où il étudia la composition sous la direction d’André Gabrielli. Après un chœur de Michel Praetorius, théoricien célèbre, auteur d’un ouvrage curieux sur l’histoire de la musique et compositeur allemand du XVIe siècle, qui introduisit dans la musique religieuse du culte protestant les fioritures vocales des chanteurs italiens ; après un autre chœur de Jean Eccard, compositeur de musique religieuse de la même époque, la première partie du concert se termina par un morceau fort intéressant d’Adam Gumpeltzhaimer, musicien hardi du XVIe siècle, qui fut chantre à l’église de Sainte-Anne d’Augsbourg. Contemporain de Roland de Lassus, qui vivait à la cour de Munich, Gumpeltzhaimer a composé un nombre considérable de motets et de chansons religieuses et profanes à plusieurs voix, qui se distinguent surtout par les combinaisons harmoniques et le pressentiment de la modulation moderne.

— Messieurs, dit alors le docteur Thibaut en s’adressant au public du haut de l’estrade où il avait conduit l’exécution, les différens morceaux que vous venez d’entendre ne peuvent avoir pour nous aujourd’hui qu’un intérêt purement historique. Ils sont l’œuvre de laborieux et savans musiciens qui, de la fin du XVe siècle aux premières années du XVIIe, forment la période historique qu’on pourrait appeler la première renaissance musicale de l’Allemagne. Elle clôt le moyen âge, où règnent la chanson populaire et le chant ecclésiastique, et conduit à l’époque des Bach, dont le chef, le grand Sébastien, est le promoteur de la seconde renaissance musicale de notre pays, qui commence avec Joseph Haydn. Dans aucun de ces morceaux, on ne trouve une phrase mélodique proprement dite. La mélodie savante, la mélodie émancipée et développée par l’art n’existe pas encore à l’époque dont il s’agit. C’est l’harmonie, c’est l’art de la combinaison des sons simultanés, c’est la marche facile des différentes parties de l’ensemble qui préoccupent les plus grands musiciens du XVIe siècle. Ils créent, ils préparent les élémens de la langue dans laquelle on exprimera plus tard le mouvement et la lutte des passions. Il convient de constater aussi, dit le docteur en arrêtant ses regards sur le chevalier Sarti, que, dans plusieurs morceaux de cette première partie, se révèle déjà l’influence de l’Italie sur le développement de notre école musicale. Hasler par exemple, qui a été l’élève d’André Gabrielli, a emporté de Venise un goût prononcé pour les rhythmes vifs et l’harmonie légère en imitant ces airs charmans dits frottole veneziane qu’on chantait en dansant dans la société polie de la renaissance. C’est ainsi que Praetorius et d’autres compositeurs du même temps ont introduit dans la musique religieuse