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qui se partageaient l’Angleterre ne cessèrent jamais d’être représentées dans la chambre des communes ; les ennemis eux-mêmes de la maison régnante y disposaient habituellement de 40 à 50 voix. C’est la meilleure preuve que les élections étaient assez sérieuses. Voulez-vous juger de la sincérité du scrutin dans un pays divisé par les révolutions : vous n’avez pas besoin de contrôler en détail les opérations électorales ; vous n’avez qu’à regarder à la composition de la chambre. Si l’opposition n’y est pas forte et nombreuse, vous pouvez hardiment alarmer ; que le pays n’est pas exactement représenté, et que la violence ou la fraude joue un grand rôle dans les élections.

Walpole était entré dans la vie publique à une époque où la violence était encore l’arme favorite des partis, et dans sa jeunesse il l’avait souvent employée et subie. Les hommes d’état formés à l’école de la révolution, tories et whigs, se disputaient le pouvoir et l’exerçaient tour à tour les uns contre les autres avec un brutal acharnement. En 1710, sous la domination des whigs, un ecclésiastique obscur et médiocre, le docteur Sacheverell, fut poursuivi par la chambre des communes devant la chambre des lords pour un pitoyable sermon sur les dangers auxquels le gouvernement de Godolphin exposait, selon lui, l’église d’Angleterre, et Walpole accepta les fonctions de commissaire dans ce ridicule et maladroit procès. En 1712, sous la domination des tories, le duc de Marlborough fut dépouillé de toutes ses charges, Walpole fut expulsé de la chambre des communes et envoyé à la Tour ; les sermons whigs de l’évêque de Saint-Asaph furent brûlés publiquement par le bourreau. En 1714, Steele se vit expulsé de la chambre des communes pour avoir insinué dans un pamphlet que la succession hanovrienne était en danger sous l’administration tory d’Oxford et de Bolingbroke. Un an après, à la mort de la reine Anne, les whigs prenaient avec éclat leur revanche. Dans la proclamation pour la convocation d’un nouveau parlement, George Ier mit les électeurs en garde contre les amis du précédent ministère et leur recommanda « ceux qui s’étaient montrés fidèles à la succession protestante lorsqu’elle avait été en danger. » Cette intervention abusive du pouvoir royal dans les élections fut si efficace que la majorité se trouva retournée dans la chambre des communes, et lorsqu’à l’ouverture de la session sir William Wyndham, l’un des principaux accusateurs de Steele, attaqua la proclamation, « non-seulement comme sans exemple et sans excuse, mais comme dangereuse pour l’existence même des parlemens, » il fut interrompu par le cri de « à la Tour ! à la Tour ! » Walpole, voulant que son parti réservât ses vengeances pour de plus grands adversaires, se leva et dit avec calme : « Je ne suis pas