Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1864 - tome 49.djvu/261

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
257
REVUE. — CHRONIQUE.

commises dans la question du Mexique et les discussions qui s’en étaient suivies, l’inertie palpable et les contradictions de sa politique intérieure, la froideur ou l’hostilité se glissant parmi ses adhérens eux-mêmes, toutes ces causes l’avaient frappé d’un coup mortel, et il finissait par se trouver dans une de ces situations où, sans cesser d’avoir la majorité dans les chambres, il ne pouvait plus faire un pas.

Il fallait assurément un certain courage pour prendre le pouvoir en face d’un congrès qui arrivait au terme de son existence légale, mais où le précédent cabinet avait encore une majorité, en présence de partis incohérens, trop morcelés et trop faibles pour former une majorité nouvelle. Ce fut le marquis de Miraflorès qui eut cette hardiesse, qui se chargea de cette épineuse mission, quoique déjà avancé en âge. C’était d’ailleurs un personnage d’une assez grande position sociale, longtemps mêlé aux affaires diplomatiques, ayant été plus d’une fois ministre, notamment avec M. Bravo Murillo, à une époque où se produisait pour la première fois cette malheureuse pensée de réformer la constitution ; mais ces antécédens s’effaçaient devant les nécessités d’une situation nouvelle. Et, pour tenir tête aux difficultés du moment, le marquis de Miraflorès s’adjoignait des hommes choisis un peu dans tous les camps, un ancien modéré, M. Vahamonde, le général José de la Concha, marquis de La Havane, qui venait de Paris, où il avait été envoyé comme ambassadeur pour tâcher d’arranger l’affaire du Mexique, et qui avait du reste coopéré à la révolution de 1854 ; M. Pedro Salaverria, qui était ministre des finances dans le précédent cabinet, et M. Moreno Lopez. Il appelait même peu après dans le conseil un ancien progressiste, M. Alonso Martinez. Quel était le caractère réel de ce ministère ainsi constitué ? Il serait difficile de le dire. Des influences contraires luttaient visiblement en lui. S’il inclinait vers l’union libérale, qui se trouvait tout à coup privée de ses chefs, il risquait de mécontenter les dissidens et les modérés, dont l’opposition avait contribué à la chute du dernier cabinet ; s’il se rapprochait trop de ceux-ci, il risquait de froisser les hommes de l’union libérale, qui étaient en majorité dans le congrès ; s’il restait en équilibre entre les uns et les autres, que représentait-il ?

On crut un moment à Madrid que ce n’était là qu’un ministère de transition, gardant un pouvoir destiné à revenir prochainement au général O’Donnell ou à passer au parti modéré pur, ayant tout au plus la mission de conduire sans secousse le congrès au terme légal de son existence et de faire des élections qui permettraient au pays de se prononcer, aux partis de se classer, de se reconstituer, de se compter, de façon que des combinaisons nouvelles pussent sortir d’une situation moins confuse. Mais quand donc a-t-on vu, surtout en Espagne, un ministère consentant à se considérer comme transitoire, à ne point se croire définitif, à ne point essayer de se faire un parti avec des débris de tous les partis ? Le ministère du marquis de Miraflorès, placé en présence de la dissolution nécessaire du congrès, faisait donc les élections, puisque c’était là presque sa principale et