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Page:Revue des Deux Mondes - 1864 - tome 49.djvu/364

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encyclopédique ; mais, puisqu’ils sont appelés à exprimer l’âme, quel mal y aurait-il à ce qu’ils la connussent un peu mieux, et à ce qu’ils fussent profondément convaincus de son existence et de sa noblesse ? Puisque leur fonction est de faire resplendir à nos yeux l’éclat idéal de la nature et de la vie, pourquoi ne s’exerceraient-ils pas à- discerner quelque peu l’idéal du réel, à acquérir de plus justes notions de la nature et de la vie, à comprendre enfin, même avec le secours de la philosophie, comment la vie et l’idéal, loin de s’exclure, s’appellent et se complètent mutuellement ? Puisque les artistes ont affaire aujourd’hui à une société dont la passion la plus haute et la plus féconde est l’amour de la science, quelle prise espèrent-ils avoir sur l’âme de cette société, s’ils dédaignent de connaître ce qu’elle aime et de lui parler de ce qui l’enflamme et l’honore ?

De nos jours, tout homme cultivé aime à se reporter par la pensée au sein des grandes époques et à s’en donner le vivant spectacle : eh bien ! que les artistes étudient l’histoire des beaux siècles ; qu’ils en retrouvent l’esprit et qu’ils en reproduisent la physionomie, l’accent, la passion dominante. Puisque l’analyse des caractères, la description des secrets penchans de l’âme, de ses douleurs morales et de ses crises intellectuelles, ne furent jamais plus goûtées qu’aujourd’hui, puisque jamais la soif de connaître ne fut plus grande, jamais la sympathie pour les peuples opprimés plus ardente ni plus manifeste, pourquoi le sculpteur négligerait-il de puiser à ces nouvelles sources de vives et fécondes inspirations ? Parmi les nobles émotions dont le monde est agité, et que la plastique peut traduire sans violer les lois qui la régissent, que le sculpteur choisisse, et qu’il renvoie à l’esprit de ce temps un pur et lumineux reflet de lui-même. En insistant ainsi sur ces questions attrayantes et graves, on se surprend à rêver une sculpture moins parfaite assurément que la statuaire grecque, mais belle et idéale encore, en même temps que plus spiritualiste et plus intellectuelle, et qui exprimerait, dans son langage calme et concis, tantôt le triomphe de la science sur les élémens vaincus et maîtrisés, tantôt les ardentes aspirations de l’esprit nouveau vers l’inconnu et le divin, tantôt ses tristesses et ses abattemens, quand au lieu de la vérité cherchée il ne rencontre que le doute, tantôt enfin ses espérances à la pensée de la liberté et du règne de la justice…

Ce rêve, trop abstrait peut-être et qui ressemble trop à une méditation philosophique, la critique d’art, plus voisine de la réalité et des artistes, saurait au besoin le colorer, l’animer, lui donner des contours plus arrêtés.et des formes plus saisissables. Qu’elle s’en empare, qu’elle le corrige et l’achève, si toutefois elle l’en trouve