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eut la bonne fortune de rencontrer un duc de Parme qui l’aima, car elle était belle encore avec ses quarante-deux ans, et qui la protégea contre les populations indignées. Huit ans après, nous la retrouvons à la cour d’Espagne, très liée avec l’ambassadeur d’Autriche, et bientôt la jeune reine, fille de cette princesse Henriette dont la fin subite et précoce avait été une épouvante pour la cour de Louis XIV, meurt avec toutes les apparences de l’empoisonnement. C’est une fatalité pour la mémoire de la comtesse de Soissons que partout où elle apparaît il y a des morts imprévues, inexplicables. On se souvient des lettres de Louvois et de ces domestiques qu’il l’accusait d’avoir empoisonnés pour s’en débarrasser. Des biographes trop indulgens ont voulu la disculper d’avoir été pour rien dans la mort de la reine d’Espagne, mort qui par malheur secondait à merveille la politique et les prétentions de l’Autriche ; mais la correspondance de l’ambassadeur français, le comte de Rebenac, invoquée en faveur de la comtesse, dépose plutôt contre elle. « Mme de Soissons, écrit l’ambassadeur à Louis XIV, transportée de ressentiment de l’avis qu’on lui avoit fait donner de se retirer en Flandre, a pris le parti de déclamer contre la reine et de se jeter entre les bras du comte d’Oropesa et du comte de Mansfeld, qui étoient les seuls auteurs de sa disgrâce… Ces deux hommes, sire, l’ont regardée comme une personne irritée contre la reine d’Espagne et les intérêts de votre majesté… » Puis, le 12 février 1689, après la mort de la reine : « Franchini (son médecin) a dit que, dans l’ouverture du corps et dans le cours de la maladie, il avoit remarqué des symptômes extraordinaires, mais qu’il y alloit de sa vie s’il parloit… Le public se persuade présentement le poison et n’en fait aucun doute ; mais la malignité de ce peuple est si grande que beaucoup de gens l’approuvent, parce que, disent-ils, la reine n’avoit pas d’enfans, et ils regardent le crime comme un coup d’état qui a leur approbation… Il est très vrai, sire, qu’elle est morte d’une manière bien horrible… »

Il nous faut encore signaler, l’impartialité historique l’exige, un événement, sinon étrange, au moins très fâcheux, la mort soudaine de Fouquet, arrivée vers le moment même où des accusés prétendaient que ses amis complotaient, pour le venger, d’empoisonner le roi et Colbert. Les ennemis de Fouquet l’avaient toujours considéré comme suspect d’avoir joué du poison. « On a dit qu’on en avoit trouvé chez lui, raconte Mme de Motteville, et on eut quelque soupçon qu’il avoit empoisonné le feu cardinal, ce qui, peu de jours après, fut mis au rang des contes ridicules. » Plus tard, pendant qu’on le menait à Pignerol, il tomba malade, et le bruit courut qu’on voulait se défaire de lui. « Quoi ! déjà ? » s’écrie à ce sujet