raient encore. Tout le monde a remarqué que la majorité ne veut pas cette année que les discussions dégénèrent en dialogues entre l’opposition et les commissaires du gouvernement, et tient à honneur de payer de sa personne. Les discours prononcés par MM. de Saint-Paul, Gouin, Latour-Dumoulin, Taillefer, Segris, Lafont de Saint-Mûr, n’ont pas seulement montré les aptitudes des orateurs ; ils ont fait connaître des sentimens ou des opinions qui, dans leur modération, ne sont pas aussi éloignés qu’on l’aurait pu croire des pensées dont le parti libéral est préoccupé. Le parti libéral applaudit sincèrement à ces manifestations spontanées des députés par lesquelles les hommes se révèlent, se classent, et, en acquérant une légitime importance personnelle, contribuent à augmenter l’influence et le crédit du corps auquel ils appartiennent. Une patience qui nous permet d’encourager de telles tendances et de recueillir de tels résultats ne saurait nous être pesante. Comment d’ailleurs l’opposition ne serait-elle point patiente, puisqu’elle est désintéressée, et qu’elle puise dans son désintéressement manifeste un de ses principaux titres à la confiance du pays ? Personne parmi elle n’aspire au pouvoir ; l’ancien prestige de l’ambition politique n’existe plus pour elle. Le nombre des gens qui veulent être ministres a bien diminué en France depuis quinze années. Soit que les positions ministérielles aient perdu de leur éclat par suite des étranges vicissitudes auxquelles nous avons assisté, soit que de nouvelles branches d’activité aient été ouvertes, par le développement industriel de notre époque, aux intelligences supérieures, soit pour d’autres raisons, les portefeuilles sont dépourvus de leurs anciens attraits. On aime mieux, en laissant à d’autres la besogne du pouvoir, servir le pays librement, avec indépendance, par la plume et par la parole ; on paraît de nos jours estimer plus l’influence exercée sur l’opinion que l’autorité hiérarchique qui s’exerce sur le détail des affaires et le personnel des employés. Peut-être est-on porté à aller trop loin dans cette tendance. Quoi qu’il en soit, le désintéressement de l’opposition est le gage de sa patience, et lorsqu’un homme tel que M. Berryer est venu rappeler avec une mâle simplicité que l’avenir n’était pas fait pour lui, et que le souci des destinées de notre patrie pouvait seul, dans la part qu’il prend aux affaires publiques, animer sa vieillesse glorieuse et aimée, la France n’a pas été seulement touchée, elle a été convaincue.
Le corps législatif, entrant dans le détail des articles de l’adresse, a rencontré d’abord les amendemens relatifs aux candidatures officielles qui ont fourni à M. Jules Favre l’occasion de prononcer un discours profond contre cette anomalie d’un suffrage universel que le pouvoir exécutif aurait la prétention de diriger en y employant toute la force des influences administratives ; mais cette discussion, au moment où nous écrivons, n’est point épuisée encore, et nous n’avons pas l’intention de devancer ici les divers épisodes de l’adresse. Il est une seule des questions que l’adresse doit sou-