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étaient bien de pur sang indigène. Or toutes les populations blondes appartiennent aux rameaux les plus caractérisés de la grande race blanche. La présence d’individus de cette sorte à Otahiti atteste que le sang blanc était arrivé jusque-là, et s’il ne se montrait avec un de ses caractères les plus tranchés que chez les chefs, c’est que ceux-ci veillaient à la pureté de leur caste avec un soin poussé jusqu’à la cruauté. C’est donc chez elle qu’il faut aller chercher les traces de l’élément blanc, comme pour trouver celles des élémens nègres ou jaunes il faut s’adresser au contraire aux classes inférieures de cette société. Eh bien ! le contraste que je signalais tout à l’heure entre les bustes et les dessins trahit cette distinction, et les différences mêmes qui les distinguent sont une preuve de leur fidélité.

L’observation de Wallis est encore d’une haute importance à un autre point de vue. En voyant les Polynésiens s’écarter du type moyen au point d’être tantôt dés blancs, tantôt des nègres presque purs, il est impossible de ne pas songer aux phénomènes d’atavisme si fréquent chez l’homme aussi bien que chez les animaux[1], de ne pas voir dans ces individus exceptionnels des réapparitions de types primitifs distincts et incomplètement fusionnés. On est conduit ainsi à admettre que la formation de cette race remarquable n’est pas due seulement aux actions de milieu, mais que le métissage a joué à une certaine époque un rôle considérable dans sa caractérisation. Le fait historique que je viens de rappeler, quelques autres à peu près de même nature dont on trouve la trace dans les traditions indigènes confirment cette conséquence. Les insulaires de la Mer du Sud ne descendent donc pas d’une source unique ; ils sont le produit du mélange de populations primitivement différentes. La race polynésienne n’est pas seulement une race mixte, c’est en outre une race métisse.

Ce mélange de caractères, cette fusion d’élémens anthropologiques chez les Polynésiens, ne les rattachent pas uniquement aux populations blanches, jaunes ou noires pures, qui ont fourni ces élémens ; ces traits généraux les rapprochent surtout d’une grande formation ethnologique dont la nature ne parait pas avoir été justement appréciée par la plupart des anthropologistes. Je veux parler des populations malaises, étendues, on le sait, depuis Madagascar[2] jusqu’à l’extrémité des archipels indiens. Les polygénistes font, bien entendu, au moins une espèce de ces populations. Parmi les monogénistes,

  1. Voyez, sur cette question, mes études sur l’unité de l’espèce humaine, et notamment la Revue des Deux Mondes du 15 février 1861.
  2. Les Hovas, qui ont pris dans cette île la suprématie, présentent à un haut degré le type malais.