d’ouest, descendent le long des contreforts jusqu’aux plaines de l’Atlantique. Cette prise de possession du ciel dure environ deux heures. Bientôt de sourds roulemens répercutés de morne en morne vous avertissent que la foudre, suivant ce chemin des nuages, ne tardera pas à vous visiter. Peu à peu les éclats du tonnerre deviennent plus retentissans, de larges gouttes de pluie font bruire le feuillage, des tramées lumineuses commencent à sillonner les airs. Malheur au voyageur attardé ou égaré dans les picadas de la forêt ! Tout à coup des détonations épouvantables, des avalanches de pluie, des éclairs qui semblent déchirer l’espace, viennent vous glacer d’effroi. Un tressaillement involontaire, qui accompagne chaque secousse électrique, vous rappelle que vous êtes immergé dans une atmosphère de fluide qui à tout instant peut vous foudroyer. Les animaux sauvages rentrent dans leurs terriers, les bêtes de somme frissonnent haletantes sous le rancho, et les mille voix diverses de la forêt cessent de se faire entendre, comme pour rendre plus solennelles les formidables harmonies de la tempête.
Familiarisés depuis leur enfance avec la furie des orages, les indigènes ne paraissent pas trop s’en préoccuper. Il est cependant des cas où les proportions deviennent si effrayantes que les plus intrépides pâlissent. Un jour, au plus fort d’un ouragan qui dura trois longues heures, j’avais cherché asile dans une venda de la serra do Mar. Ne pouvant plus supporter les éclats de la foudre qui se succédaient sans interruption et avec une violence inouïe, je me retirai dans ma chambre, et, après avoir fermé les volets, je me jetai sur mon lit, pensant trouver un peu de calme dans l’obscurité. Malgré mes précautions, les éclairs me poursuivaient comme si une main invisible les eût fait jaillir des murs ; la pluie, traversant toit et plafond, me chassait de tous les coins. Voyant mes peines perdues, j’allai chercher des distractions auprès de mes hôtes. La maison était déserte. Comme je furetais partout, je les aperçus enfin accroupis dans l’oratoire devant une statue enfumée de saint Antoine, qui, parmi ses nombreuses attributions, compte encore celle de servir de paratonnerre à toutes les plantations du Brésil. Ces braves gens étaient tellement affaissés sous le poids de leur frayeur, qu’ils ne me virent point passer. Quand l’orage eut cessé de rugir, ils vinrent à leur tour dans ma chambre, persuadés que, ne m’étant pas mis sous l’égide du saint patron, j’étais infailliblement foudroyé.
Ce déluge d’eau, de bruit et de fluide électrique dure ordinairement deux ou trois heures. Peu à peu les coups deviennent moins secs, les secousses moins irritantes. L’ouragan, continuant sa route, va porter ses ravages dans les plaines voisines. Que de fois le soir, traversant une vallée, j’ai vu le ciel s’illuminer tout à coup ! Des divers points de l’horizon s’élevaient par intervalles des lueurs soudaines