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reflétant les apparitions d’éclairs éloignés. C’étaient les derniers adieux des orages de la journée, qui, après avoir cheminé de morne en morne, allaient se perdre dans l’Océan. Rien ne saurait peindre la solennité de ce spectacle et le charme indicible qu’on éprouve à le contempler.

Il faut être d’un tempérament robuste pour résister à toutes ces influences accumulées d’eau, d’électricité, de vapeur et de soleil. Les complexions délicates éprouvent d’abord un malaise vague et indéfinissable ; bientôt l’appétit disparaît, les forces diminuent, le moral s’affaisse. Un teint jaune et une maigreur inquiétante vous avertissent qu’il est temps de changer de climat et de gagner des régions moins énervantes. Les hommes vigoureux n’ont d’ordinaire rien à redouter, surtout s’ils habitent quelque endroit de la serra ; mais dans les villes maritimes, et principalement à l’embouchure des grands fleuves, où les eaux déposent, pendant la saison des pluies, tous les détritus organiques des vallées qu’elles ravinent, le danger devient sérieux. La moindre imprudence peut coûter cher. C’est ce qui explique la mortalité des Européens à Rio-Janeiro, Bahia, Pernambuco, les grandes métropoles du sud. En revanche, il n’est peut-être pas de pays qui compte plus de centenaires. Si l’on en croit les journaux brésiliens, il ne serait pas rare de rencontrer dans les régions montagneuses de la province de Minas-Geraes des gens qui ont atteint 110, 120 et 130 ans. Cette longévité, qu’on retrouve aussi dans d’autres contrées élevées des Andes et de l’Amérique du Nord, tient à la fois à l’uniformité de température et au peu de soins que la fertilité du sol et l’absence de vie politique ou industrielle laissent aux habitans. Ces centenaires sont généralement exempts d’infirmités. Quelques-uns, venus du Portugal, vous racontent comme une chose d’hier le fameux tremblement de terre qui en 1755 détruisit Lisbonne et se fit sentir dans les deux hémisphères. Les régions de l’Atlantique ont jusqu’ici échappé à ces mouvemens convulsifs des forces souterraines qui occasionnent de continuels ravages sur les côtes du Pacifique, et que le soleil ramène chaque année dans sa course vers les tropiques et dans ses passages au méridien. Ce calme du sol brésilien tient à des causes purement locales. Les contre-forts des Andes, qui forment la charpente de cet immense empire, sont si allongés que les plus fortes convulsions de la cordillère se trouvent amorties avant que les vibrations puissent se communiquer aux lointaines provinces des côtes orientales.

Si les habitans n’ont pas à redouter les tremblemens de terre, en revanche ils sont continuellement sous le coup d’un fléau non moins terrible, celui des inondations. Pendant six mois consécutifs, les