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chat sauvage n’est pas sans rendre de grands services aux colons, car c’est un des plus mortels ennemis de la cobra (serpent). Dès qu’il aperçoit un de ces animaux, il va résolument à lui, s’arrête à quelques centimètres de distance pour épier ses mouvemens, évite ses morsures avec une dextérité surprenante, et quand il croit le moment favorable, bondit sur la tête du reptile et la broie d’un seul coup. Pourquoi le chat sauvage frappe-t-il le serpent à la tête, tandis qu’il se contente de saisir par le cou les autres animaux dont il fait sa nourriture ? Simple instinct, me dira-t-on. C’est possible ; mais j’avoue que cet instinct du gato do mato m’a toujours paru merveilleux.

Ces services, quoique réels, ne doivent pas cependant être exagérés. La cobra n’est guère plus dangereuse que le jaguar, bien qu’elle fourmille dans toute l’Amérique du Sud. Cet animal craintif fuit au moindre bruit, et n’use de ses redoutables crochets que lorsqu’on marche sur lui. J’ai vu plusieurs fois des esclaves mordus dans les champs par une espèce des plus venimeuses, le jararaca trigonocéphale, très commun au Brésil, et il n’en est jamais résulté d’accidens sérieux ; il est vrai que ces pauvres gens avaient soin de sucer la plaie immédiatement après la piqûre. Telle est pourtant l’aversion instinctive des nègres pour ce reptile que beaucoup d’entre eux recevraient la bastonnade plutôt que de consentir à toucher et surtout à profaner un serpent mort. Je ne saurais dépeindre la stupeur qu’ils éprouvaient toutes les fois qu’ils me voyaient disséquer un de ces animaux. Les senhoras sont moins difficiles, car beaucoup d’entre elles ne se font pas scrupule de porter des bracelets de serpent faits avec la peau d’une espèce très venimeuse, le corail, dont le nom rappelle assez les riches couleurs. Pour tuer un reptile, les nègres se contentent d’appliquer un coup de baguette sur une partie quelconque de l’animal ; ce coup suffit pour briser une vertèbre de l’épine dorsale et empêcher le serpent de fuir. Il n’y a plus alors qu’à le frapper à deux ou trois reprises sur la tête pour l’achever. On voit maintes fois des négrillons de sept ou huit ans venir à bout, avec une simple baguette, de serpens venimeux aussi longs que nos couleuvres d’Europe. Dans la saison des orages, lorsque les pluies ont rempli toutes les fissures du sol, il n’est pas rare de voir ces animaux chercher un refuge dans les appartemens et se blottir sous les lits. Le nègre et l’Indien, obligés de vivre journellement côte à côte avec ce terrible voisin, en remontreraient à bien des naturalistes sur les indices qui révèlent un serpent venimeux et sur le degré d’énergie de son venin. Un cou effilé, une tête large et aplatie, sont les caractères les plus redoutables ; des couleurs brillantes sont aussi un pronostic des plus dangereux. La femelle est