Page:Revue des Deux Mondes - 1864 - tome 49.djvu/703

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

le moins des formes primitives ; on pourrait, sans trop d’exagération, affirmer qu’on parle encore un dialecte sanscrit sur les bords de la Vistule. En Europe, on ne peut signaler que le basque, langue bien étrange et dont il faut chercher le penchant au sein des populations indigènes de l’Amérique, le finnois, le hongrois et le turc, qui soient étrangers au sein de la famille aryenne ou indo-européenne.

Cette réduction de la plupart de nos langues à un type originel commun entraîne une conséquence immédiate, celle de l’existence, antérieure à toute histoire écrite, d’un peuple qui a parlé la langue-mère, et confirme, en leur donnant des contours d’une précision inespérée, les vieilles traditions qui nous font tous venir de l’Asie. Toutes les réminiscences des anciens peuples de l’Europe, depuis le mythe de Prométhée jusqu’à la légende kymrique de Hoû-le-Puissant conduisant son peuple de l’Hellespont dans la Grande-Bretagne, nous amènent au pied du Caucase ; mais évidemment on était venu de plus loin encore. La Genèse même, en désignant le mont Ararat comme le point de départ des hommes sauvés du déluge, et parmi eux de notre père Japhet, nous invite à poursuivre plus loin notre recherché de la patrie primitive ; mais, grâce au sanscrit et au zend, nous pourrons nous orienter sûrement. En effet, les traditions de l’Avesta et du Véda proprement dit ne nous permettent plus d’avancer indéfiniment vers l’est. La formidable chaîne de l’Himalaya nous apparaissait déjà de ce côté comme une limite infranchissable : le fait est qu’elle coupe nettement en deux l’humanité ; mais l’Avesta et le Véda nous dirigent positivement vers une contrée qui doit être au nord de l’Iran (à peu près la Perse actuelle et l’Afghanistan) et au nord-ouest de l’Indus. Nous ne tarderons pas d’arriver.

Si l’on déploie une carié d’Asie comprenant la vaste région qui s’étend de l’Himâlaya à la grande vallée du Tigre et de l’Euphrate, il sera facile de tracer le cadre où il faut se renfermer. Au nord, les regards se fixent sur la Mer-Caspienne et la mer d’Aral, qui doivent jadis avoir été réunies. Un grand fleuve, l’Oxus, descend de l’Hindou-Khô, prolongement occidental de l’Himalaya, et se jette dans la mer d’Aral, à moitié dévoré par les sables à travers lesquels il se fraie son cours inférieur. À une certaine époque, l’Oxus a dû envoyer un bras dans la Mer-Caspienne, ou plutôt le lit encore visible de ce bras est le plus récent indice attestant l’antique union des deux mers. Au nord de la mer d’Aral, un autre puissant cours d’eau, l’Yaxartes des anciens, aujourd’hui le Syr-Darya, descendu des montagnes du Turkestan, se débat aussi au milieu des sables touraniens parallèlement à l’Oxus. Au sud, le Golfe-Persique et la