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Mer des Indes, à l’est, l’Indus, venant de l’Himalaya, achèvent de circonscrire l’horizon. Aujourd’hui ce vaste espace est occupé par la Perse, le Beloutchistan, l’Afghanistan, le pays de Hérat. Les Tartares (Turcomans ou Touraniens), depuis une antiquité immémoriale, habitent les plaines du nord, confinant aux steppes immenses de l’Asie centrale, et même ils ont fini par s’établir bien au-delà de l’Yaxartes et de l’Oxus aux dépens des vieilles populations aryennes, qu’ils ont refoulées dans les villes ou réduites en servitude.

Dans la région dont nous cherchons à fixer les limites, les déserts tiennent une grande place. En effet, cette partie de l’Asie présente ce singulier contraste, que les contrées les plus désolées du monde y touchent à des régions dont la fertilité, déjà célèbre dans l’antiquité, mérite encore aujourd’hui sa vieille réputation. Cette ceinture de déserts qui semble étreindre l’ancien continent, qui commence en Afrique pour se continuer, à travers l’Arabie et la Syrie, jusqu’au nord du Thibet, à peine interrompue par quelques oasis telles que l’Égypte, la Mésopotamie, la Susiane, couvre à elle seule plus de la moitié de la contrée qu’on vient de décrire. Le grand Désert-Salé, qui sépare la Perse de l’Afghanistan[1], se relie à travers le Khorassan au désert du Touran, pour s’allonger ensuite à perte de vue et donner à l’Asie son Sahara dans le grand désert mongol de Gobi. Le nombre des fleuves sortis des monts Zagros à l’ouest, Elburdj au nord, Hindou-Khô à l’est, qui se perdent dans les sables au sein d’immenses marécages, sans parvenir à une mer quelconque, est incroyable. Quelques-uns, l’Hilmend et le Murghab entre autres, sont très considérables. C’est là sans doute, et dans l’estuaire bourbeux de l’Euphrate et du Tigre que s’engendrent ces nuées d’insectes, et surtout de sauterelles, qui viennent par instans s’abattre sur les campagnes de la Perse ou du Pendjab, pour les dépouiller en quelques minutes de toute leur verdure et les laisser à l’état de plaines incendiées. Il est évident que jamais peuple n’a vécu dans de pareilles régions autrement qu’en passant et malgré lui. Cela importe à notre recherche, car si le pays dont nous sommes en quête doit se trouver au nord de l’Iran et au nord-ouest du Sapta-Sindhu (Pendjâb), il n’y a plus que la Bactriane (aujourd’hui

  1. Les travaux les plus récèns ne permettent plus de douter aujourd’hui de l’origine aryenne de la langue et de la race des Afghans. Leur prétention de descendre d’une colonie juive conduite par un Afghana imaginaire, petit-fils de Saül et officier de Salomon, n’est qu’une légende inspirée par l’orgueil musulman, très fort chez eux, qui leur a fait désirer d’être rattachés à la race des vrais croyans. Les quelques mots hébraïques ou plutôt sémitiques introduits dans leur langue, en somme positivement aryenne et nullement sémitique, s’y sont glissés à la suite et sous l’influence de l’islamisme. On peut consulter avec fruit sur cette question longtemps douteuse le savant ouvrage que M. Spiegel vient de publier sous ce titre : Érân, Berlin 1863, surtout page 141.