son parti, il s’arrêta à un terme moyen : au lieu d’abolir complètement les dettes, il se contenta de les réduire. il ordonna d’abord que toutes les sommes payées jusque-là pour les intérêts seraient déduites du capital ; ensuite, pour rendre plus facile le paiement de la somme ainsi diminuée, il régla que les propriétés des débiteurs seraient estimées par des arbitres, qu’on en fixerait non pas la valeur actuelle, mais celle qu’elles avaient avant la guerre civile, et que les créanciers seraient obligés de les prendre à ce taux. Suétone dit que de cette façon la créance était diminuée de plus du quart. Assurément ces mesures nous paraissent encore très révolutionnaires. Nous ne comprenons pas ces interventions du pouvoir pour spolier sans motif des particuliers d’une partie de leur fortune, et rien ne nous semble plus injuste que de voir la loi elle-même déchirer des contrats qui sont placés sous sa sauvegarde ; mais alors l’impression ne fut pas la même. Les créanciers, qui craignaient qu’on ne leur laissât rien, s’estimaient très heureux de ne pas tout perdre, et les débiteurs, qui avaient compté être tout à fait libérés, se plaignaient amèrement qu’on voulût leur faire payer quelque chose. De là des mécomptes et des murmures. « En ce moment, écrivait Caelius, à l’exception de quelques usuriers, tout le monde ici est pompéien. »
Pour un ennemi caché comme Caelius, l’occasion d’éclater était bonne. Il s’empressa de la saisir et de profiter de cette désaffection dont il était témoin. Sa tactique était hardie. Prendre pour lui ce rôle de démocrate avancé, ou, comme on dirait aujourd’hui, de socialiste, dont César ne voulait pas, former de tous ces mécontens un parti plus radical et s’en déclarer le chef, tel fut le plan qu’il imagina. Pendant que les arbitres nommés pour évaluer les biens des débiteurs s’acquittaient de leur mieux de leurs fonctions délicates et que le préteur de la ville, Trebonius, jugeait les contestations qui s’élevaient à propos de leur arbitrage, Cælius fit placer sa chaise curule à côté du tribunal de Trebonius, et, s’érigeant de sa propre autorité en juge des arrêts de son collègue et de son supérieur, il déclara qu’il appuierait les réclamations de ceux qui auraient à s’en plaindre ; mais, soit que Trebonius contentât tout le monde, soit plutôt qu’on eût peur de César, personne n’osa se présenter. Ce premier échec ne découragea pas Cælius : il pensa au contraire que plus la situation devenait difficile, plus il fallait payer d’audace, et, malgré l’opposition du consul Servilius et de tous les. autres magistrats, il publia deux lois fort hardies, l’une qui faisait remise à tous les locataires d’un an de loyer, l’autre qui abolissait entièrement toutes les dettes. Cette fois le peuple sembla disposé à venir en aide à celui qui prenait si résolument son parti : des troubles eurent lieu ; le sang coula, comme autrefois, sur le Forum ; Trebonius, attaqué par une multitude furieuse, fut renversé de son