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et d’un Ballo in maschera, de M. Verdi. Il faut que ce maestro que nous réclamons ait le droit de dire à M. le chef d’orchestre : Vous déchirez le beau quintette du second acte du Barbier en précipitant la stretie comme si vous dirigiez la musique d’un bal masqué, — et vous, monsieur Delle Sedie, vous commettez toujours la faute qu’on vous a si souvent reprochée de chanter à pleine voix cette phrase du finale : Guarda don Bartolo, sembra una statua, phrase qui doit être dite à mezza voce, parce que sans cela vous réveillez Bartolo de son saisissement, et vous détruisez l’effet du crescendo qui marque le réveil du tuteur. Avec un directeur des chœurs qui est sourd, avec un chef d’orchestre qui n’a pas le sentiment des nuances, avec des chanteurs interlopes qui viennent de tous les coins du monde sans qu’une main ferme et intelligente les dirige et les contienne, on ne peut avoir que de tristes représentations.

Ce qu’il y a de plus intéressant à Paris cet hiver, ce sont les nombreux concerts qui s’y succèdent et qui attirent un public bien autrement intelligent que celui qui fréquente les théâtres lyriques. La Société des Concerts, cette illustre institution qui a plus de trente ans d’existence, a déjà donné quatre séances brillantes, excepté celle où l’on a admis un pianiste qui est venu barbouiller une sonate de Beethoven. C’est un péché mignon de cette société, qui a peur du nouveau comme du loup-garou. Les concerts populaires de musique classique fondés et dirigés par M. Pasdeloup, dont le zèle n’a point fléchi, ont toujours le même succès. Au sixième de ces concerts, qui a eu lieu le 24 janvier, on a entendu M. Piatti, violoncelliste italien, célèbre depuis longtemps, et qui a exécuté avec un talent original une sonate de Boccherini, qui est, comme on sait, un compositeur italien du milieu du XVIIIe siècle qu’on a surnommé la femme d’Haydn. M. Piatti a produit un effet charmant en exécutant avec un goût parfait cette piquante fantaisie d’un maître qu’on pourrait qualifier le Cimarosa de la musique à cordes.

P. Scudo.


I. Essais politiques et philosophiques, par lord Macaulay, traduits par M. G. Guizot. II. Essais sar l’Histoire d’Angleterre, par le même[1].

Lord Macaulay n’est plus un inconnu en France, il est devenu à peine un étranger, tant ses ouvrages se sont rapidement popularisés. Il représente parmi nous la vie intellectuelle anglaise dans ce qu’elle a de plus sérieusement attachant. Cet éminent esprit était connu déjà par ses puissans et lumineux récits de la révolution de 1688 et du règne de Guillaume III. Ce qu’on connaissait moins en France, c’est cet ensemble d’essais où il a prodigué la verve critique, la fermeté du jugement, la vigueur du trait, et qui touchent à tout, à l’histoire, à la politique, à la religion, à la littérature, à

  1. 2 vol. in-8o, Michel Lévy, 1864.