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de Charles XII hantait de nouveau la Suède et réapparaissait à ses anciens sujets. Le vieux comte Arvid Horn, disgracié, alla mourir dans la retraite ; un nouveau traité avec la France fut conclu, et, sous la domination exclusive du parti des chapeaux, le pays se vit lancé au dehors dans de nouvelles aventures, tandis que la royauté était au dedans soumise à de nouveaux affronts.

La Russie ne fit que profiter de tant de fautes. Les Suédois, l’ayant attaquée étourdiment sur la frontière de Finlande sans préparatifs suffisans, sans hôpitaux militaires, presque sans armée, furent taillés en pièces ou obligés de se rendre honteusement (1741-1743). La cession forcée d’une partie de la Finlande préluda tristement à l’œuvre qui devait s’achever en 1809, et dans Stockholm les hommes qui étaient devenus maîtres du pouvoir firent mettre à mort les deux généraux qu’ils avaient eux-mêmes envoyés à un désastre inévitable : justice incomplète et barbare, digne d’une république mal réglée et aux abois, premiers pas dans une voie d’excès et de violences où il était désormais difficile de s’arrêter avant la ruine dernière. Le même parti qui avait commis ces fautes, en se débattant pour conserver le pouvoir, n’hésitait plus à engager une lutte ouverte contre la royauté même. À l’issue de la récente guerre, la Russie victorieuse avait imposé à la Suède l’élection d’Adolphe-Frédéric, évêque de Lübeck et duc de Holstein-Gottorp, comme héritier du vieux roi Frédéric Ier, qui était sans enfans. Sa femme, Louise-Ulrique, était la sœur du roi de Prusse, Frédéric II ; elle s’en vantait sans cesse ; avec beaucoup d’esprit et de beauté, elle montrait une humeur dominatrice et hautaine qui s’accommodait mal des conditions auxquelles son mari avait accepté sa nouvelle couronne. Les états s’en aperçurent, prétendirent aggraver le joug dont elle voulait s’affranchir, et commencèrent de la sorte une lutte destinée à devenir sanglante. Le récit de cette lutte serait presque déjà l’histoire de Gustave III, car c’est dans cet humiliant spectacle qu’il puisa la résolution de rétablir un jour à tout prix les droits de la royauté. Le comité secret, en qui résidait la toute-puissance, commença par interdire au souverain de recevoir sans sa permission les ministres étrangers, en le menaçant de lui ôter sa couronne et de le renvoyer en Allemagne, s’il n’obéissait pas ; mais l’insolence de la diète parut tout entière, ridicule et puérile, dans la fameuse affaire des joyaux de la couronne. Sur la délation d’une de ses dames d’honneur, la reine Louise-Ulrique[1] se vit accusée, le 6 avril 1756, d’avoir engagé à Hambourg les principaux diamans de l’état pour corrompre une partie de l’assemblée et se créer des partisans. L’enquête

  1. Adolphe-Frédéric était roi depuis 1751. Son fils Gustave, prince royal, avait alors cinq ans.