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de contribuer à l’élection d’un candidat polonais à l’exclusion de tout étranger lors de la prochaine vacance du trône, et de conserver enfin, par une prétendue protection des dissidens, un continuel prétexte d’intervention en Pologne.

Frédéric et Catherine n’eurent pas d’autre politique à l’égard de la Suède. Associés dans une double poursuite, on les vit fomenter à la fois dans l’un et l’autre pays les dissensions intérieures, et méditer bientôt deux démembremens à la fois. C’est ainsi que la grande Catherine entendait réaliser la fameuse ligue du Nord ; c’est ainsi que Frédéric II prétendait sauvegarder ses propres états. En 1756, lorsqu’on avait appris à Paris la conspiration et les supplices qui avaient ensanglanté Stockholm, Voltaire écrivait à d’Argental : « Il se présente en Suède un sujet de tragédie ; s’il y avait quelque épisode de Prusse, on pourrait trouver de quoi faire cinq actes. » Ce ne fut la faute ni de Frédéric II ni de sa bonne alliée, Catherine, si le cinquième acte manqua ou fut autre qu’ils l’attendaient. À peine Catherine II s’était-elle emparée de la couronne de Russie qu’elle reprit en l’agrandissant le projet d’alliance avec la cour de Berlin. L’accord fut promptement établi. L’envoyé de Prusse à Saint-Pétersbourg écrivait le 23 août 1763 : « Le comte de Panin n’est pas d’avis qu’on doive aider les Polonais à ériger dans leur patrie, comme ils prétendent le faire, une forme de gouvernement plus solide que celle qui subsiste aujourd’hui. Il croit que l’intérêt de sa cour aussi bien que celui de votre majesté demande qu’il règne toujours dans ce pays une certaine confusion. » Frédéric II répondit dès le 8 septembre : « Vous direz au comte de Panin que j’entre parfaitement dans ses idées quant aux affaires de Pologne. » Déclarations sans pudeur, et qu’il suffit de rappeler pour répondre à ceux qui répètent de notre temps que les Polonais ont toujours été incapables de se gouverner eux-mêmes. — Peu de mois après, 31 mars (11 avril) 1764, un traité d’alliance, signé entre la Russie et la Prusse, renouvelait toutes les conditions déjà convenues avec Pierre III, en y ajoutant la promesse formelle de ne permettre aucun changement dans la constitution polonaise. Conclu pour huit ans, le traité de 1764 stipulait quelles forces chacun des deux alliés devrait mettre à la disposition de l’autre en cas d’attaque du dehors. Le cas d’une agression de l’Angleterre contre la Prusse ou de la Perse contre la Russie était excepté ; mais, si la Prusse était attaquée par la France, la Russie devait fournir à Frédéric II une somme de 400,000 roubles par an ; la même obligation incombait à la Prusse, si la Russie se voyait attaquée par les Turcs. L’impératrice se croyait de la sorte à l’abri de toute inquiétude du côté de la Turquie pendant le temps nécessaire à ses menées dans Varsovie.