Page:Revue des Deux Mondes - 1864 - tome 49.djvu/876

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sente, au point de vue de la question des races, un intérêt tout particulier. Cette grande terre est tout isolée et comme mise à part ; elle est plus rapprochée de la Nouvelle-Hollande et de la Tasmanie que des autres îles océaniennes ; une des branches du courant équatorial, après avoir longé la Nouvelle-Hollande, vient se replier autour d’elle, et semblerait avoir dû faciliter l’introduction de la race noire de préférence à toute autre. Il est permis de penser que ce fait a dû se produire ; mais toujours est-il que la race maori[1] présente, surtout dans ses classes élevées, le type polynésien très pur et parfois plus rapproché du type blanc que ses autres sœurs, à en juger par les portraits qu’ont recueillis plusieurs voyageurs[2]. Est-il vrai que cette race soit étrangère au sol où on l’a trouvée ? Est-il vrai qu’elle y soit arrivée du dehors, sans autres ressources que celles que les premiers navigateurs européens trouvèrent chez ces peuples ? Telles sont les questions fondamentales auxquelles répondent affirmativement, de la manière la plus précise et la plus détaillée, un grand nombre de chants nationaux, heureusement recueillis par divers auteurs et surtout par sir George Grey[3]. C’est ce dernier travail qui nous servira de guide ; mais avant d’en faire l’analyse il ne sera pas inutile d’indiquer rapidement comment et pourquoi l’auteur l’a entrepris et mené à fin. Il y a là pour le lecteur une garantie d’exactitude et de véracité complètes et aussi, pour ceux qui ont à gouverner des races étrangères à la leur, un enseignement dont plusieurs d’entre eux feraient bien de profiter.

Nommé gouverneur de la Nouvelle-Zélande en 1845, sir George Grey trouva la colonie en guerre avec les indigènes. Il n’était pas de ceux qui regardent les sauvages comme des bêtes féroces d’une espèce un peu plus élevée que les tigres ou les ours ; il crut pouvoir les ramener et les soumettre sans employer les terribles moyens que

    que, « superposée à celle-ci, la Nouvelle-Zélande la recouvrirait en entier et s’étendrait par-delà les Alpes jusqu’au cœur de la Bavière. » De nombreuses petites îles sont disséminées le long des rivages des massifs principaux, sans compter les îles Chatam, placées à plus de sept cents kilomètres à l’est, et qui en sont très distinctes.

  1. On désigne par ce nom les habitans de la Nouvelle-Zélande et aussi le dialecte propre dont ils font usage.
  2. Voyez entre autres l’atlas de l’expédition de Dumont-d’Urville.
  3. Sir George Grey a publié deux ouvrages sur ce sujet. L’un est en entier en langue maorie, et renferme une collection nombreuse de poèmes historiques, de chants religieux et de chansons. Le second, dans lequel je puiserai les détails qu’on va lire, est une traduction des principaux chants mythologiques et légendaires contenus dans le précédent. Il est intitulé Polynesian Mythology and ancient traditional History, 1855. Parmi les autres ouvrages sur le même sujet, je citerai celui de Shortland, Traditions and Superstitions of hth New-Zeelanders, et un article fort intéressant sur la poésie maorie, inséré par M. W. B. Baker dans les Transactions de la Société ethnologique de Londres, 1861.