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LES
ETUDES PHILOSOPHIQUES
EN ANGLETERRE

M. HERBERT SPENCER

First Principles, by Herbert Spencer, London 1862.

La défaveur où sont tombées les études philosophiques en Angleterre est un des symptômes qui frappent le plus vivement ceux qui s’appliquent à étudier l’état intellectuel et moral de ce pays. Comment une nation arrivée au comble de la puissance, qui jouit de tous les bienfaits de la liberté, de la paix, de la richesse, qui s’est donné de fortes institutions politiques et sociales et sait y demeurer fidèle, chez laquelle l’amour des lettres, la passion religieuse et le souci des choses de l’esprit ont profondément pénétré toutes les classes, — comment une telle nation peut-elle se passer presque absolument de philosophes et de philosophie ? Légitime sujet de surprise pour tous ceux qui pensent que les principes sont la force des nations aussi bien que les armées et les flottes, que les peuples en un mot ont une âme comme les individus ! Encore si la stérilité philosophique de l’Angleterre n’était qu’un accident momentané, un de ces momens de repos qui séparent de grands efforts ; mais non : cette stérilité est volontaire, raisonnée, systématique. Le mépris de la métaphysique a pris les allures et la hauteur insolente d’une doctrine.