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dans des agens intérieurs. Les forces nommées vitales, que nous savons être corrélatives des forces nommées physiques, sont les sources immédiates de ces pensées, de ces sentimens, et travaillent à les produire. Les preuves de cette vérité sont nombreuses. En voici quelques-unes. C’est un fait notoire que l’action mentale dépend de la présence d’un certain appareil nerveux, et, bien qu’obscurcie par des conditions nombreuses et très complexes, on peut observer une certaine relation entre la grandeur de cet appareil et la quantité de l’action mentale. Cet appareil a de plus une certaine constitution chimique d’où dépend son activité ; il y a un élément qui est proportionnel au degré de cette activité, c’est le phosphore, moins abondant dans l’enfance, dans la vieillesse et dans l’idiotie, plus abondant dans la vigueur de l’âge. Notez encore que l’évolution de la pensée et des sentimens varie, toutes choses égales d’ailleurs, avec la quantité du sang qui afflue au cerveau. D’une part, l’arrêt de la circulation cérébrale, résultant de l’interruption des mouvemens du cœur, abolit immédiatement la conscience ; d’autre part, l’excès de la circulation cérébrale (sauf les cas où elle est capable de produise une pression excessive) se traduit par une excitation qui va finalement jusqu’au délire. Ce n’est pas seulement la quantité, c’est aussi la qualité du sang répandu dans le système nerveux qui affecte les manifestations mentales. Les courans artériels doivent être suffisamment aérés pour produire une cérébration normale. À l’un des extrêmes, nous voyons le sang, qui ne peut changer son acide carbonique en oxygène, produire l’asphyxie, avec l’interruption des idées et des sentimens qui accompagne cet accident. À l’autre extrême, nous voyons que l’inspiration de l’oxyde nitreux détermine une activité nerveuse excessive et irrépressible. Outre la connexion entre le développement des forces mentales et la présence d’une certaine quantité d’oxygène dans les artères cérébrales, il y a un rapport semblable entre le développement de ces forces et la présence d’autres élémens dans ces artères. Il faut que des matériaux particuliers soient soumis à la nutrition aussi bien qu’à l’oxydation des centres nerveux. Et rien ne prouve mieux comment l’état de la conscience se lie aux matières constituantes du sang, toutes choses égales d’ailleurs, que l’exaltation qui suit l’absorption de certains composés chimiques, l’alcool et les alcalis végétaux par exemple. La douce animation que créent le thé et le café est familière à tous, et bien que peu de personnes aient éprouvé les riches jouissances imaginatives et les intenses sentimens de bonheur que procurent l’opium et le haschisch, le témoignage de ceux qui les ont connus est suffisamment concluant. La preuve que la genèse de l’énergie mentale se rattache intimement à des actions chimiques est encore fournie par le fait que les produits séparés du sang par les reins varient de caractère suivant les degrés de l’action cérébrale. Une excessive activité d’esprit est accompagnée ordinairement de l’excrétion d’une proportion exceptionnelle de phosphates alcalins. Une excitation nerveuse anormale produit le même effet, et l’odeur particulière des fous, qui implique certains produits morbides de la transpiration, établit un lien entre la folie et une composition spéciale des fluides de la circulation. »