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de Mayer, de Grove, de Joule[1], ne sont pas encore devenus populaires, et c’est l’an dernier seulement que pour la première fois M. Bour, professeur de mécanique à l’École polytechnique, a introduit le principe de l’équivalence des forces dans le haut enseignement mathématique. On a découvert les relations mutuelles de la gravité, du calorique, de l’électricité : nous savons déjà que l’énergie dynamique répandue dans le monde dépasse de beaucoup celle qui est nécessaire pour soutenir les soleils dans leurs orbites, et que la majeure partie de la force universelle ne sert qu’à entretenir les mouvemens invisibles de l’atome ; mais nous ne sommes encore qu’au seuil des découvertes que porte en lui-même ce grand, ce fécond principe de la persistance de la force. Suivant M. Spencer, ni la vie, ni l’énergie mentale n’échapperaient à l’empire de cette loi universelle. Il amasse à l’appui de sa thèse tous les faits que peut lui fournir la biologie, pour établir une connexion entre les forces que nous classons sous le nom de forces vitales et les forces que nous appelons physiques. Il y a bien longtemps que les physiologistes se demandent si ces forces sont identiques : les uns disent oui, les autres non ; des deux côtés on n’a qu’à moitié raison, si ces forces, sans être absolument semblables, ne sont que des transformations les unes des autres. De même la chaleur et l’électricité ne sont pas une seule et même chose, mais le mouvement calorifique peut être converti en mouvement électrique et réciproquement. La vie ne serait dans cette théorie qu’une métamorphose des forces qui nous sont déjà connues hors de l’être vivant, pesanteur, chaleur, électricité, magnétisme, affinité chimique. Et la pensée ? demanderez-vous à M. Spencer. La pensée ou plutôt, dira-t-il, l’énergie mentale n’est qu’une métamorphose de la force vitale !

Ainsi la pensée ne serait qu’un mouvement plus compliqué sans doute, plus mystérieux que les autres mouvemens qui nous sont connus, mais lié pourtant à ces mouvemens comme le satellite est uni à la planète, ou l’acide à la base ! Toute sensation assurément est un transport, l’impression n’arrive au cerveau que par l’intermédiaire du système nerveux ; mais si les objets extérieurs engendrent la plupart de nos impressions, comment naissent ces hautes et profondes pensées, ces nobles sentimens, qui n’obéissent point à un stimulant extérieur et semblent tout à fait spontanés ? Je laisse ici répondre M. Spencer lui-même :


« Les corrélatifs immédiats de ces modes particuliers de la conscience ne doivent pas être cherchés dans des agens qui opèrent du dehors, mais

  1. Voyez sur ces travaux et sur l’idée de l’équivalence des forces la Revue du 1er mai 1863.