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s’amende quand elle se trompe : c’est là qu’il faut les laisser. Pour l’Université mieux vaut se dessaisir en pareil cas, et se dessaisir pleinement. Là-dessus encore son éducation est à faire. Il est dans ses habitudes de donner et de retenir, et de troubler par ses ingérences ce qui échappe à sa direction. Elle ne supporte pas volontiers ce qui réussit par d’autres mains que les siennes, et n’a de cesse qu’elle ne se le soit approprié quand elle ne parvient pas à. l’énerver à force d’ombrages. Ce sont là de véritables contradictions, lorsque d’autre part on encourage l’enseignement à briser ses vieux cadres, à multiplier ses formes, à réchauffer tous les germes des imaginations en travail. En de telles matières, rien ne se vivifie que par l’effort individuel et ne se féconde que par le souffle de la liberté.

L’Université a mieux aimé courir elle-même les chances de l’entreprise et s’en réserver les honneurs. Voyons donc ce qu’elle se propose et comment elle entend procéder. Les plans de détail sont résumés dans deux documens. L’un est le modèle des programmes de l’enseignement professionnel, l’autre est une circulaire aux recteurs, en date du 2 octobre 1863, dans laquelle le ministre s’explique sur les moyens d’application. Son premier soin est de définir la pensée et de fixer les origines de cet enseignement. Il rappelle que si l’Université a toujours résisté, comme son fondateur le lui conseillait, aux petites fièvres de la mode, elle n’a jamais repoussé les innovations que le vœu public ou les besoins de l’état lui recommandaient. Or ce besoin n’est pas né d’hier ; la convention en avait eu le pressentiment, et dans un décret de 1793 elle avait établi « un premier degré d’instruction pour les connaissances indispensables aux artistes et aux ouvriers de tout genre. » Jusqu’en 1808, des écoles centrales en furent le foyer. En 1821, la combinaison fut reprise ; on décida qu’au sortir de la troisième les élèves pourraient entrer dans un cours spécial ; c’était introduire sous Une première forme ce qu’on a nommé depuis la bifurcation. En 1829, on alla plus loin : le collège de Nancy devint le siège d’un enseignement véritablement professionnel « en faveur des élèves qui, après avoir suivi les premières années des cours communs, voudraient se livrer au commerce, aux divers arts industriels ou à une profession quelconque, pour laquelle l’étude approfondie des langues anciennes ne serait point indispensable. » Le gouvernement de 1830 ne répudia point ce legs ; les collèges de Versailles et de La Rochelle ouvrirent leurs portes à cet enseignement mixte, et en 1847 il avait été arrêté en principe qu’il serait appliqué à tous les collèges royaux et communaux. À quelques années de là, la loi du 15 mars 1850 à son tour classa cet ordre d’études dans notre système d’éducation, mais, en enregistrant le nom, elle ne fixa point le mode : il y est dit seulement