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que des jurys particuliers seront constitués pour l’enseignement professionnel. Point de dotation spéciale, rien de précis non plus sur les moyens d’exécution. Ces jurys particuliers restèrent une lettre morte, et des commissions nommées avec quelque bruit s’éteignirent dans le silence ; leurs travaux, s’il en existe, n’ont pas été livrés à la publicité. Tout se réduisit à des annexes facultatives que 64 de nos lycées sur 74 greffèrent sur leurs autres cours, ici séparées, là confondues, partout disparates. Même dans ces conditions informes, l’essai réussit ; le sixième des élèves passait par cette voie comme la plus expéditive. « C’est une marée montante, écrivaient les inspecteurs-généraux ; il faut lui ouvrir un large lit. » Peut-être eût-il mieux valu conseiller de rendre ce lit plus profond au lieu de l’élargir ; l’aveu en échappe au ministre lui-même. À bien peu d’exceptions près, cet enseignement distribué au hasard n’a donné que des résultats stériles.

Les choses en sont là ; une expérience de soixante et dix années n’a pu conduire ni à une législation positive, ni à une organisation régulière. Il en a été de l’enseignement professionnel comme de la direction des aérostats : cet enseignement est entré dans les préjugés populaires, on l’a cru et on le croit possible ; jusqu’ici pourtant il n’a connu que des échecs. Faut-il pour cela y renoncer ? L’Université ne le pense pas, et d’ailleurs comment y renoncer en présence de besoins démontrés ? L’industrie est une puissance avec laquelle on doit compter. On cite à ce propos quelques chiffres sans doute exagérés. Il existerait, en face de la propriété foncière, pour 80 ou 100 milliards de valeurs mobilières, au lieu de 20 ou 30 milliards qui formaient notre avoir mobilier en 1830. Même accroissement dans le matériel et le personnel affectés au travail manufacturier. La France aurait aujourd’hui (je cite sans rien garantir) 150,000 usines, 1,500,000 ouvriers de fabrique, sans compter 5 millions d’hommes ou de femmes occupés par la petite industrie et le commerce, et 500,000 chevaux-vapeur qui peuvent représenter le travail de 10 millions d’hommes. Quelque discutable que soit cette statistique, la conclusion du ministre de l’instruction publique n’en est pas moins fondée ; il faut ménager une place dans l’enseignement à ce qui en occupe une si considérable dans la communauté. Le problème est impérieusement posé, il est urgent de le résoudre. Rien n’est prêt, il est vrai, pour un régime définitif ; des délais sont à prévoir, des sanctions sont à obtenir, les crédits nécessaires pour une transformation ne peuvent être votés que pour 1865. N’importe, un effort immédiat est nécessaire. Il est temps de mettre un terme à la confusion dont les cours annexés donnent çà et là le spectacle. L’enseignement professionnel, quoi qu’il arrive, aura du moins ses