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sujet littéraire et moral dont le XVIIIe siècle était particulièrement épris, mais encore en vue d’un certain intérêt politique, les états de la Suède étant bien aises de voir constater et célébrer leur domination suprême sur les affaires les plus intimes de la famille royale.

Gustave eut après Tessin, et de 1756 à 1762, c’est-à-dire de dix à seize ans, le comte Charles-Frédéric Scheffer pour gouverneur. Plus que jamais la diète se montrait jalouse de l’autorité que la constitution lui attribuait sur l’éducation du prince, et le comte Scheffer n’était que son mandataire dans ces hautes fonctions. Déjà Tessin n’avait omis aucune occasion d’inculquer à son élève le respect des quatre ordres du royaume, qu’il comparait aux quatre élémens : « la noblesse feu par son ardeur guerrière, le clergé eau par la tranquillité de son état et par son devoir de modérer l’ardeur des passions, la bourgeoisie air par son industrie à étendre son commerce vers tous les climats du monde, les paysans terre par l’attachement qu’ils ont à la culture. » Le nouveau gouverneur fut encore plus absolu ; dans l’instruction qu’il rédigea pour fixer les principes qui régleraient les travaux du prince, il proclama surtout la nécessité d’une obéissance entière envers les états. « Contre les excès du despotisme, qui avaient comblé la mesure, dit-il, la nation n’a rien eu plus à cœur que de limiter l’autorité royale de telle sorte qu’aucun attentat contre les libertés publiques ne fût plus désormais possible. Aussi les états sont-ils souverains avec un pouvoir illimité ; ils ont autorité pour annuler et pour faire la loi, non pour agir contre la loi. Si toutefois ce dernier cas se présentait, il n’y aurait dans le royaume aucun pouvoir ayant le droit de s’y opposer, » Les états ne se contentaient pas d’intervenir dans l’éducation du prince par de telles maximes ; leur autorité tracassière veillait encore contre l’ingérence d’aucune autre volonté ; ils exigeaient que le gouverneur leur adressât de fréquens rapports, et ordonnaient des examens qui se faisaient à leur barre, afin de s’assurer par les réponses de l’enfant de la manière dont leurs prescriptions avaient été obéies. De son côté, la cour, fort excitée contre eux, s’irritait de leur tyrannie, et Gustave entendait chaque jour les expressions de colère impuissante par lesquelles la reine sa mère se vengeait des états et de leur fier représentant.

Scheffer paraît d’ailleurs avoir tout négligé ou dédaigné dans cette éducation, sauf son étroit dessein politique : le programme qu’il a dressé pour régler la nature et la répartition des études présente l’image d’un singulier désordre. Les leçons doivent commencer à dix heures du matin ; un instituteur particulier se charge d’abord de l’enseignement religieux. Viennent ensuite l’histoire de Suède, l’histoire universelle « d’après la méthode et le livre du célèbre évêque de Meaux, M. Bossuet, » les élémens du droit de la nature et du