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paiement des subsides français avait été interrompu en 1766, alors que le ministère, sous la conduite de Choiseul, avait résolu de ne plus nourrir en Suède une stérile anarchie ; on consentit à les acquitter de nouveau pour grouper autour du nouveau roi toutes les forces de la nation : suivant les termes de la dernière convention, conclue en 1764, et que l’on reprit alors, une somme de 10 millions 1/2 restait à payer ; il fut convenu qu’elle serait remise au gouvernement suédois par appoints de 1 million et 1/2 par an à partir du 1er janvier 1772 ; une somme de 750,000 livres fut comptée immédiatement et par avance au jeune roi ; on destina en outre une somme de 3 millions pour disposer les esprits en faveur de Gustave III dans la diète qui allait s’ouvrir. Enfin, pour donner au protégé de la France une marque publique d’intérêt, mais en même temps pour diriger sa conduite, pour former et guider le parti royaliste, pour surveiller l’emploi des subsides, on remplaça M. d’Usson à la légation de Stockholm par M. de Vergennes, un des grands noms de notre diplomatie. Les vues de Choiseul sur les affaires de Suède et sur les conditions de l’équilibre politique dans le nord de l’Europe s’étaient transmises à ses successeurs, et le cabinet de Versailles était décidé à renouveler le plus promptement possible la force intérieure de la Suède par une révolution qui paraissait nécessaire. Gustave III quitta Paris le 18 mars 1771 ; avant de passer la frontière, il écrivit à Louis XV[1] :


« 26 mars. — Monsieur mon frère et cousin, je ne quitterai pas les états de votre majesté sans lui témoigner encore une fois ma vive reconnaissance pour toutes les marques qu’elle m’a données d’une amitié dont aucun souverain ne connaît le prix mieux que moi. Si Dieu me permet de rentrer sans aucun fâcheux accident parmi les miens, je m’emploierai sans relâche à affermir des liaisons que mes sentimens personnels vont rendre désormais indissolubles. Je me plairai surtout à cultiver la correspondance directe que votre majesté m’a permis d’entretenir avec elle, et qui me fournira plus d’une occasion de lui rappeler le tendre attachement avec lequel je serai toujours, monsieur mon frère et cousin, de votre majesté, le bon frère et cousin,

GUSTAVE. »


Gustave III avait réussi, malgré la courte durée de ce voyage, dans le double dessein qui lui tenait au cœur : il avait utilement resserré les liens diplomatiques qui unissaient depuis si longtemps son pays et le nôtre, et il avait mérité la chaleureuse adoption de cette société française dont il était plus que jamais épris.


A. GEFFROY.

  1. Archives des affaires étrangères, à Paris, Correspondance de Suède, 1771. Cette lettre ne se trouve pas dans la Collection des écrits de Gustave III, en cinq Volumes in-8o, Stockholm 1803-1805.