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convenir à l’intelligence, aux intérêts, à l’honneur des deux plus grands états, des deux plus grands peuples du monde ?

L’enseignement qui sort donc avec une lumineuse évidence de la confusion politique dont nous sommes témoins, c’est que le maintien de la paix et de l’ordre en Europe, c’est que la conservation du prestige et de l’influence des deux nations occidentales sont au prix de la bonne entente de la France et de l’Angleterre. Ni la France ni l’Angleterre ne peuvent s’engager avec succès en Europe dans des entreprises politiques importantes, si d’avance elles ne sont sûres de leurs bons sentimens mutuels, et si l’influence de leur accord ne domine pas et ne contient point les autres puissances. Cet enseignement, nous l’espérons, ne sera perdu ni pour les Anglais ni pour nous. Nous croyons que l’œuvre du rapprochement des deux politiques fait des progrès réels. Les faits déplorables qui se sont passés entre l’Allemagne et le Danemark auraient été prévenus assurément, si la mort du roi Frédéric VII eût trouvé la France et l’Angleterre décidées à marcher d’accord ; mais les pires conséquences que l’on peut redouter du conflit dano-allemand ne seront conjurées que par l’alliance intime et active des deux pays.

Un des traits les moins curieux de ce temps-ci ne sera pas le silence qui a été gardé au sein de notre corps législatif pendant la discussion de l’adresse sur la question dano-allemande. C’était l’affaire critique du présent, c’était la difficulté de laquelle, suivant la juste indication de M. Thiers, la guerre, échappant au libre arbitre de la France, pouvait sortir à l’improviste, — et cependant, sur cette question actuelle et brûlante, qui émeut depuis un mois les intérêts industriels et financiers de l’Europe, on s’est complètement tu. Il eût été pourtant très utile que des voix autorisées fussent venues éclairer l’opinion, fort peu édifiée sur cet obscur litige. Il eût été utile que l’on eût appris au public dans quelle mesure et jusqu’à quel degré les intérêts, les traditions, l’honneur de la France, étaient engagés dans la question. Il eût été utile que l’on eût jeté un aperçu sur la façon dont la question danoise se mêlait à la politique générale de l’Europe et au système de nos alliances. L’esprit public eût été tiré d’incertitude par une discussion semblable, et peut-être la politique du gouvernement en eût été affermie. Mais, et c’est un inconvénient que nous avons plus d’une fois signalé, nos discussions de l’adresse sont des débats rétrospectifs ; il serait à désirer que la chambre pût être associée par une autre combinaison parlementaire à la délibération des affaires courantes, des affaires qui sont en train de se développer et vis-à-vis desquelles le pays conserve encore sa liberté d’action. On fait un autre reproche aux débats de l’adresse, on se plaint de leur durée ; c’est trop de temps, dit-on, perdu pour les affaires. Le reproche est fondé, mais il est telle autre partie de l’organisation du travail parlementaire, qui ne présente pas un moindre défaut. N’abuse-t-on point par exemple du système des commissions ? Voici à peu près un mois